• Chers lecteurs et lectrices, vous avez peut-être en mémoire un billet récent intitulé « un autre mariage curieux » qui traitait d’une réhabilitation de mariage. Même si, dans le cas en question, la réhabilitation était sans doute justifiée par la consanguinité au quatrième degré des époux, constatée après la célébration de leur mariage, d’autres causes justifiant une réhabilitation étaient évoquées. Parmi elles, était citée le retour dans l’église catholique d’un couple marié hors de celle-ci, pour laquelle l’abjuration sincère d’une foi hérétique par les époux était exigée par le droit canon.

    Ce genre de situation n’est guère fréquent dans le Val d’Oise, région d’origine des registres paroissiaux auxquels je consacre le plus clair du temps que m’alloue mes insomnies, puisque le protestantisme n’était réellement répandu que dans le sud de la France.

    Peut-être d’ailleurs que Pierre Baudouin, dont il est question dans ce billet, est un descendant de camisard. Mais c’est bien à Presle, dans le val d’Oise, que le curé dresse l’acte suivant :

    le retour de la brebis égarée

      

    ce 31 juillet 1717 a été faite abjuration de l’hérésie calvinienne

    par Pierre Baudouin fils de défunt Pierre Baudouin et de défunte

    Marie Tavernier de la paroisse de Deuil diocèse de Paris âgé de 57 ans.

    entre les ?? prêtre curé de Presle soussigné par

    le pouvoir que l’en ai reçu de monseigneur l’évêque et comte de

    Beauvais en date du 23 de ce mois en présence de M Charles de St ??

    et de François Audeffroy prêtre vicaire de Mafflier et de Pierre Mouret

    prêtre vicaire de cette paroisse et de Florent Poule clerc de ladite paroisse, de

    Vincent Beaujean et de François Departont clerc de l’église de Mafflier

    tous témoins soussignés à l’original

    Pierre Baudouin n’est donc plus une brebis égarée depuis ce 31 juillet 1717 ou il a rejoint le troupeau des catholiques. Comme il a 57 ans et qu’il abjure seul, il ne s’agit pas de préparer la réhabilitation de son mariage mais, plus vraisemblablement, d’assurer son salut dans l’au-delà.

    Gageons que c’est ce que le curé du village lui a promis. Et cette promesse vaut bien celles que s’apprêtent à nous faire, tous bords confondus, les candidats aux élections à venir…


    4 commentaires
  • C’est avec délice, du moins je l’espère, que vous allez plonger en lisant ce billet dans les arcanes du droit canon, ce droit d’inspiration catholique qui gouvernait la vie de nos ancêtres avant la révolution.

    Lisons tout d’abord l’acte rédigé par le dénommé Bonnet, vicaire de la paroisse de Viarmes, le 21 mars 1746.

    un autre mariage curieux

       

    Louis Poulet mineur fils de Claude Poulet vigneron et de Marie

    Meusnier ses père et mère d'une part et Marie Françoise Mathas

    fille de Louis Mathas voiturier et de défunte Marie Breteuille

    ses père et mère d'autre part Vu la dispense de réhabilitation

    de son mariage du vingt et un mars de cette année mil sept cent

    quarante six signée Jusseau vicaire général du diocèse de Beauvais

    insinué et contrôlé audit Beauvais ledit jour et an que dessus

    ont été réhabilité en face de notre mère sainte église par moi

    prêtre curé de cette paroisse soussigné. En présence dudit

    Claude Poulet père dudit Louis Poulet, de Louis Mathas père

    ladite Marie Françoise Mathas de Monsieur Bonnet prêtre vicaire

    de ce lieu de Charles Durand clerc de cette église témoins qui ont

    signé à l'exception de Claude Poulet qui a déclaré ne savoir

    écrire ni signer de ce interpellé

    Rompant avec la monotonie des registres paroissiaux où seul l’ordre dans lequel se succèdent les actes de baptême, mariage et sépulture peut varier, nous avons à faire à une réhabilitation de mariage. En effet, le mariage célébré entre Louis Poulet et Marie Françoise Mathas le 17 mai 1745 est nul et les époux ne peuvent bénéficier des droits accordés aux époux, en particulier en matière de succession. De même les enfants nés de cette union illégitime sont considérés comme naturels.

    La réhabilitation vise à corriger, dans les cas ou cette possibilité est prévue, l’erreur commise au moment du mariage et à restituer les époux et leur descendance dans leurs droits. C’est ce qui se passe quelques jours après la naissance de Jean, premier enfant du couple.

    Le premier code du droit canon datant de 1917, c’est plutôt un ensemble de textes et d’usages qui s’appliquait au XXVIII siècle et il n’est donc pas simple de donner une liste des raisons pour lesquelles un mariage est considéré comme nul. La lecture du code actuel, tel qu’il est appliqué aujourd’hui pour les mariages devant l’église catholique et (j’ai failli écrire dieu merci) pas pour les mariages devant le maire est néanmoins réjouissante puisqu’on y trouve parmi une très longue liste la clause suivante :«Qui en vue de contracter mariage avec une personne déterminée aura donné la mort au conjoint de cette personne ou à son propre conjoint, attente invalidement ce mariage »

    Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, le curé ne nous aide guère en rédigeant l’acte puisqu’il ne précise en rien la cause de cette nullité. Heureusement, de nombreux généalogistes se sont penchés avant moi sur des cas similaires et voici une liste des principales causes possibles :

    • L’âge, si un des deux époux au moins n’avait pas à la date du mariage atteint l’âge requis. Ce n’est pas le cas ici puisque Louis Poulet avait 19 ans au moment du mariage et Marie Françoise Mathas en avait 21.
    •        Une erreur sur la personne. En gros au moins un des deux époux n’est pas celui ou celle qu’il prétend être. Rien de tel dans notre cas, les deux époux sont nés à Viarmes, leur filiation est incontestable et les pères présents au mariage.
    •     Le mariage a bien été célébré mais en dehors de la religion catholique. Cela concerne principalement les mariages de protestants qui, refusant la révocation par Louis XIV de l’édit de Nantes, s’unissent secrètement. S’ils abjurent sincèrement de leur foi et rejoignent la religion d’état, leur mariage peut être réhabilité. Ce n’est pas non plus notre cas puisque les deux époux sont baptisés.
    •        Les époux ont un lien de consanguinité jusqu’au quatrième degré inclus. Au sens du droit canon, cela signifie que les deux époux ne doivent pas avoir d’aïeul commun en remontant jusqu’aux arrière-arrière-grands-parents. Une dispense peut toutefois être donnée pour les troisième et quatrième degré de parenté.

    C’est vraisemblablement cette dernière clause qui provoque la nullité du premier mariage, même si nous n’en sommes pas absolument certains. En effet nous ne connaissons la filiation complète des deux époux que jusqu’au troisième degré. Deux possibilités existent ici : Nicolas Poulet, arrière-grand-père de Louis est le frère de Françoise Poulet arrière-grand-mère de Marie Françoise Mathas ou Magdelaine Halboug, arrière-grand-mère de Louis Poulet est la sœur de François Halboug, arrière-grand-père de Marie Françoise Mathas. Reste une question, comme souvent dans les billets de ce blog : pourquoi s’est-on rendu compte du problème près d’un an après le mariage et non pas avant sa célébration ?

    Notons aussi que lorsque la réhabilitation n'est pas possible, lorsque par exemple, l'erreur sur la personne est délibérée, pour cacher par exemple une polygamie ou lorsque  le lien de parenté entre époux est au second degré, le mariage est tout simplement cassé.

    Edition le 4/9/2016 : Mireille, décidément lectrice très attentive, me souffle que Louis Poulet le héros de cette histoire est le fils d'un des deux Claude Poulet dont il a été question dans le billet intitulé la veuve joyeuse


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires