• La maison familiale de Gencenas (2) : le viager

    Billet édité suite au commentaire de Céline. Les adjonctions apparaissent en bleu.

    Comme promis, voici le deuxième billet consacré à la maison familiale des Boucher à Gencenas. C’est l’acte par lequel notre grand père et sa future épouse ont acquis cette maison, qui est la principale source d’information. Mais avant de nous occuper de la maison elle-même, intéressons-nous quelques instants au village de Gencenas. Ce lieudit regroupant quelques maisons appartient à la commune de Bessey a mis beaucoup de temps à figer l’orthographe de son nom.

    Lorsque Cassini relève les premières cartes systématiques du royaume durant la deuxième moitié du XVIIIeme siècle le nom donné est Jeanssena (au centre, juste au-dessus de Bessey).

    Gencenas - carte Cassini

    Un peu plus tard, le géographe Granet, vers 1830, lui donne le nom de Jancenay ou Jeancenay car le nom est différent sur la carte d’assemblage et sur le détail de la section !

    La maison familiale de Gencenas (2) le viager

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Sur les registres paroissiaux, le nom varie aussi car les curés communiquaient avec leurs ouailles presque exclusivement par voie orale, les lettrés parmi la population étant particulièrement rares. C’est tout de même l’orthographe actuel qu’on retrouve le plus, y compris sur les premiers actes, vers 1650. La probabilité que se nom provienne d’un patronyme, Jean Cena par exemple, comme pourrait le laisser penser les noms mentionnés sur les premières cartes est donc faible. La vraie origine de ce nom est, au moins pour moi, un mystère. Ce mystère ne doit pas nous empêcher de passer à la suite, c'est-à-dire l’histoire de la maison familiale elle-même.

    L’acte de vente donne bien sûr le nom des vendeurs, le couple Jean Baptiste Boucher et Rosalie Boucher et celui des acheteurs, mes grands-parents maternels, Claudy Boucher et Amélie Catherine Chantelouve, telle qu’elle se nomme devant le notaire, le 16 février 1904, quelques jours avant leur mariage à Bessey le 5 mars. Sur ces quatre personnes, trois se nomment Boucher, mais vous devez commencer à avoir l’habitude de l’omniprésence de ce patronyme dans notre environnement familial si vous avez lu les billets précédents de ce blog. Les recherches ne sont pas très longues pour découvrir que les vendeurs sont apparentés à l’acheteur Claudy Boucher. En effet, Jean Baptiste, le vendeur, est son oncle. Un petit coup d’œil à l’extrait de l’arbre ci-dessous vous donnera sans doute une vision plus claire de la situation. Si vous cliquez sur l'image, elle passe en plein écran.

    La maison familiale de Gencenas (2) le viager

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Donc Jean Baptiste Boucher, le vendeur du bien est le frère de Marie Rose Boucher, la mère de Claudy, l’acheteur. Tous deux sont les enfants de Jeanne Boucher, vous savez, celle qui est née du couple formé par Benoit Boucher et Rose Françoise Crotte cinq ans avant leur mariage dont j’ai promis de vous conter l’histoire prochainement.

    Et comme Claudy Boucher et Catherine Emilie Chantelouve sont eux-mêmes cousins germains, c'est une partie du sujet du billet titré "double implexe au pied du Pilat", ils ont les mêmes oncles et tantes dans cette branche de leur ascendance. Catherine Emilie, ou Amélie, au choix, est donc aussi la nièce de Jean Baptiste Boucher (né en 1836) car celui-ci est le frère de Rosalie Boucher (née en 1849) elle-même mère de ladite Amélie. Chacun des acheteurs a donc avec Jean Baptiste Boucher, le mari dans le couple vendeur, le même lien de parenté.

    Ce couple de vendeur a eu deux filles : Marie Rose, née en 1865 et Marie Joséphine née en 1867. Marie Joséphine ne vivra que deux mois. Marie Rose épousera en 1888 Jean François Paul Boucher de Malleval. Vous ne rêvez pas, Marie Rose, dont les deux parents portent le nom de Boucher ne trouve rien de mieux à faire que d’épouser, elle aussi, un gaillard nommé Boucher ! Au moment de ce mariage, Rosalie, la mère de la mariée a 44 ans et n’a pas eu d’enfant depuis plus de vingt ans.  Jean François Paul épouse donc la seule héritière du couple qui a quelques biens. Ils auront un enfant, Jean Baptiste Hippolyte, un an après leur mariage. Cet enfant est né à Gencenas et, lors de la déclaration en mairie, Jean François Paul se désigne comme propriétaire cultivateur. De toute évidence, son projet avance comme il le souhaite. Y a-t-il eu un problème lors de l’accouchement ? Marie Rose, la maman décède tout juste un mois après la naissance. Le bébé ne lui survivra que quatre mois. Les deux déclarations de décès sont faites par Jean Baptiste Boucher, le père de la mariée défunte et grand père du bébé. Jean François Paul, privé de tout espoir d’héritage puisque son épouse est décédée avant ses beaux-parents est-il retourné à Malleval pour repartir dans la vie ?

    Si le travail restant à faire sur nos ascendants directs n’était pas une tâche quasi insurmontable, il serait intéressant de passer un peu de temps sur ce Jean François Paul Boucher. Était-il apparenté à ses beaux parents ? Qu’est-il devenu ?

    M’avez-vous suivi dans cette historiette consacrée aux vendeurs ou êtes-vous définitivement égarés dans ce labyrinthe de personnages presque tous appelés Boucher ? Cela n’a guère d’importance, retrouvons-nous en 1904, seize ans après la mort de leur fille aînée, les époux Boucher, sans héritiers, vendent donc leurs biens au neveu de jean Baptiste, mon grand-père maternel et à sa future épouse (souvenez-vous, elle est en photo avec ses chèvres dans le premier billet consacré à la maison).

    La vente concerne sans doute la totalité de leur patrimoine qui se compose de la maison avec sa bassecour et son jardin, de onze parcelles de terrains situés sur la commune de Bessey ainsi que d’une douzième parcelle située à Morzelas, à cheval sur les communes de Chavanay et de Malleval.

    Le notaire a précisé le nom des propriétaires des parcelles entourant celles de la vente. Pour la maison, au nord, il se nomme Mousset, à l’ouest (couchant), c’est le chemin vicinal de Malleval, Au sud (midi) et à l’est (levant) il s’agit de Boucher. Comme il ne précise pas les prénoms, cela ne nous sert pas à grand-chose. Nous savons néanmoins que la parcelle sud, sur laquelle est construite la remise appartient à un Boucher. Sans doute Beraud l’achètera plus tard et y construira la remise qui gâche la vue.

    L’acte précise ensuite que deux vaches sont aussi vendues avec du matériel agricole, charrue, herse. Il y a aussi six tonneaux, une cuve et un pressoir. Le foin présent en grange est aussi vendu, avec ce qui reste de la récolte précédente de blé et de pommes de terre. Viennent ensuite les meubles : deux lits garnis, une garde-robe, un poêle –dont je ne me souviens pas- une table ronde, une commode, un pétrin, une horloge, un placard, une batterie de cuisine, douze chaises et le linge de ménage.

    L’acte précise ensuite l’origine de la propriété.

    La maison familiale de Gencenas (2) le viager

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La maison familiale de Gencenas (2) le viager

     

     

    Voici la transcription de ce texte :

    Les immeubles vendus appartenaient aux époux boucher savoir :

    1° le sol du bâtiment et le jardin pour

    avoir été recueillis dans la succession

    du père de M Boucher suivant acte reçu

    de Me Camier notaire à Chavanay en mil

    huit cent soixante onze et le bâtiment

    pour avoir été construit par eux pendant

    le mariage

    Suit la liste des autres immeubles, des parcelles de terrains situées aux alentours de Gencenas, d’un intérêt moindre pour ce billet, mais sans doute pas pour l’acheteur, puisqu’ils vont lui permettre de gagner sa vie en les exploitant.

    Donc, le vendeur a hérité de son père d’un terrain, en 1871, sur lequel il a construit une maison qu’il se propose de vendre. Je devrais d’ailleurs plutôt utiliser le conditionnel, vous comprendrez pourquoi à la fin de ce billet.

    A la suite de la liste des biens objet de la vente, on apprend que la vente est un viager, les vendeurs se réservant le droit d’occuper la chambre située à droite de la pièce par laquelle on entre dans la maison, appelée cuisine dans l'acte. Il est même prévu de transformer, aux frais des vendeurs, la fenêtre de cette chambre afin de disposer d’un accès indépendant, ce qui ne sera de toute évidence jamais fait, vous pouvez vérifier sur la photo du premier billet consacré à cette demeure, si vous avez un doute. Le reste des conditions de ce viager est ensuite détaillé. Il y a une rente annuelle, le droit d’entreposer leurs provisions de bois, charbon et autres, un espace suffisant à la cave pour y déposer leur vin et leurs pommes de terre.

    Les deux ménages vont donc cohabiter dans la maison jusqu’à la mort des vendeurs.

    Juste après la signature de cette vente, mes grands-parents vont se marier. Notons au passage que le maire, plus attentif, rédigera l’acte avec le vrai prénom de la mariée, Catherine Emilie, et non Amélie Catherine comme elle avait dit se nommer au notaire. Je pense que la valse des prénoms était la danse régionale la plus pratiquée et, s’ils se sont rendu compte de la chose au moment où elle se produisait, nos deux jeunes mariés ne sont pas retournés voir le notaire pour corriger les textes.

    Deux ans plus tard, un premier enfant viendra égayer la vie des deux couples habitant la maison. Pour ne pas rompre avec les bonnes habitudes et continuer à empoisonner la vie des futurs généalogistes, il portera comme premier prénom celui de son père, Claudy.

    La mort séparera le couple vendeur en 1909, et Rosalie restera seule à partager la demeure avec mes grands parents. Nous ne connaissons pas la date du décès de Rosalie Boucher, l’acte n’est pas dans ceux mis en ligne par les archives départementales. Il est donc postérieur à 1909, puisque le dernier acte accessible qui concerne justement le décès du mari de Rosalie précise qu’il était son époux et non veuf.

    Vous vous souvenez peut-être que, plus haut dans ce billet, j’ai promis une explication sur un conditionnel que j’aurais dû utiliser. Voici de quoi il s’agit : l’acte rédigé en 1871 chez Camier, notaire à Chavanay par lequel Jean Baptiste et Rosalie auraient hérité du terrain sur lequel ils auraient construit leur maison fait partie des papiers récupérés que je potasse pendant mes insomnies. Et cet acte raconte une histoire un peu différente. Il contient aussi quelques perles qui nous en apprennent beaucoup sur les mœurs de ce temps.

    N’imaginez pas une seconde que je vais rater une occasion aussi belle de vous infliger un troisième billet sur la demeure familiale de Gencenas.

    Enfin, s’il y a parmi les lecteurs de ce blog des amateurs de charabia notarial, l’acte de vente complet est accessible en suivant le lien.


  • Commentaires

    1
    Quagliata
    Vendredi 28 Décembre 2012 à 23:41

    Bonjour Guy,

    Une question: tu précises que les vendeurs sont apparentés à Claudy Boucher mais ils sont aussi apparentés à Amélie Catherine non?

    Parmi les enfants de Jeanne et JB boucher (nés en 1805 et 1807) nous avons donc Marie Rose, Jean Batiste (qui épouse une Rosalie Boucher?!) et Rosalie Boucher (né en 1849) qui est donc la mère d'Amélie Catherine Chantelouve.... 2 solutions, soit les doses d'aspirines prescrites dans un des billets précédent ne suffisent plus, soit tu as glissé cette petite précision afin de vérifier si nous suivons. A ce que j'en dis, heureusement que je suis là. Merci pour l'acte de 1904 mais on attend évidement avec impatience celui de 1871 ou du moins ta traduction!!!

    Céline 

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    2
    zogabu Profil de zogabu
    Samedi 29 Décembre 2012 à 04:04

    Bien vu Céline !

    bien que je fréquente assez assidument tous ces personnages depuis quelques mois, je n'ai pas su éviter le piège qu'ils m'ont tendu. Ce n'est pas toi qui a besoin d'aspirine, c'est moi qui ai besoin de manger du phosphore. Je vais attendre une heure décente pour m'en faire une tartine.

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