• Le carnet de Paul Bonneton (I)

    Le billet dont vous commencez la lecture est consacré à une pièce de notre histoire familiale qui se présente sous la forme d’un petit carnet à la couverture brune de format in-18 (soit 9,3x14,5 en cm) dont les pages sont nommées coquille ou carré dans le jargon des imprimeurs.

    Le carnet de Paul Bonneton (I)

    Ce carnet a accompagné notre grand-père paternel, Paul Bonneton – Paul Jean Félix selon l’état civil- une bonne partie de sa vie. Il y a noté, au fil des jours, ce qui lui semblait important. La quasi-totale absence de date fait de chacune des  lignes de ce carnet une énigme. Certaines ont été résolues et les autres devront attendre des chercheurs plus perspicaces.

    Voici les deux premières pages du carnet :

     Le carnet de Paul Bonneton (I)

    A Gauche, Paul a collé une feuille extraite d’un de ces calendriers dont on arrache chaque matin celle de la veille pour faire apparaitre, accompagnant la date,  le saint du jour et la phase de la lune.  Il a collé celle du   samedi 22 février en ajoutant l’année 1919 de sa main. Il s‘agit de la date de son mariage avec Jeanne Joséphine Breton, notre Grand-mère.

    Sur le côté gauche de ce collage, une autre date manuscrite : le 28 juillet 1919, trois jour exactement avant son retour à la vie civile, le 31 juillet, selon sa fiche matricule militaire. En effet était donc sous les drapeaux au moment de son mariage, ce qui explique la tenue qu’il porte sur la photo que nous avons publiée dans un billet précédent (artilleur et caoutchoutière).  Toujours sur cette première page, il a noté Raunheim qui est le nom d‘une ville allemande, proche de Francfort. Bien difficile de savoir ce que signifie cette indication. Ne désespérons toutefois pas, ce nom apparait de nouveau plus loin dans le carnet avec, peut-être, la clef de l’énigme.

    On trouve aussi, écrits à l’envers sur cette page, quelques mots dont je renonce à chercher le sens.

    La seconde page du carnet est moins mystérieuse puisqu’on y trouve l’identité du propriétaire, sa profession et séparés par trait qui court aussi sur la première page, ses affectations militaires successives.

    Le carnet de Paul Bonneton (I)

    Après une page vierge on trouve ensuite dans le carnet une adresse, 7 quai de Bondy, Hôtel du Louvre et une indication : « mardi avant midi ». La ville n’est pas précisée mais il s’agit probablement de Lyon où un des quai de Saône porte encore ce nom et où, au numéro 7, on trouve aujourd’hui un hôtel, le Phenix qui a pris la place de celui mentionné dans le carnet. Seule votre imagination pourra vous aider à comprendre à quel genre de rendez-vous et même à quelle date devait se rendre Paul avant midi en ce mardi.

    Le carnet de Paul Bonneton (I)

     

    Le carnet de Paul Bonneton (I)

    La page suivante et le début de celle qui la suit nous ramènent sur un terrain mieux connu puisque la liste de ville qu’on y trouve rappelle presque immédiatement son parcours de compagnon du tour de France initiatique de menuisier tel que nous le connaissons et qu’il a été décrit dans un billet déjà ancien (tour de France des compagnons). Mais la liste des villes de ce carnet nous permet de tracer son itinéraire sur une carte de façon bien plus détaillée. Suivez son chemin en vert sur la carte ci-dessous.

     Le carnet de Paul Bonneton (I)

    Les compagnons voyageaient généralement à pied. Le périple, évalué grâce à google map,  représente 3572km. J’ai ajouté à la somme des étapes du carnet la distance entre Clermont Ferrand et Lyon, car, bien que cette ville ne soit pas notée dans le carnet, on peut supposer qu’il a terminé son tour de France à son point de départ.

    Comme Paul ne notait aucune date sur son carnet, on en est, une fois de plus, réduit à des hypothèses pour évaluer la durée de son tour de France. Nous savons toutefois qu’il a été reçu compagnon menuisier à Bordeaux à la Toussaint 1910, donc le 1er novembre. Nous savons aussi grâce à sa fiche matricule militaire qu’il a effectué son service militaire à partir de 10 octobre 1911. Imaginons que Paul à planifier son périple pour être de retour à Lyon à cette date et qu’il a noté sur son carnet les localités où il travaillé pour compléter sa formation, cela donne 334 jours pour les 23 étapes qu’il y a entre Bordeaux et Lyon. Et comme il y en a 16 entre Lyon et Bordeaux pour la première partie du tour, nous pouvons estimer que celle-ci a duré 232 jours. Paul aurait donc quitté Lyon, ou plutôt Saint Pierre de Bœuf, puisqu’il vivait avec ses parents dans ce village, dans le courant du mois de mars 1910, après son vingtième anniversaire. Puisque nous sommes dans les calculs, ôtons aux 566 jours de la durée du tour les 123 jours de marche, sur la base d’un rythme de 30km par jour, il nous reste 443 jours pour 38 étapes, soit une durée de séjour d’environ 11 jours, ce qui ne semble pas idiot.

    Sur la même carte, vous pouvez voir un autre itinéraire, tracé en pourpre. Il lie les villes listées à la suite des précédentes sur le carnet de Paul. Bien que rien ne les sépare des précédentes sur le papier, il est peu vraisemblable qu’elles fassent partie de son tour de France de compagnon, à moins qu’il l’ait poursuivi après son service militaire. On ne voit de toute façon pas la logique qui conduit de Clermont Ferrand à Corbeil, tout près de Paris. Il n’y a pas non plus de tradition de compagnonnage dans le nord et l’est de la France où Paul dirige ses pas.

    Examinons la carrière militaire de Paul pour formuler une hypothèse, encore une.

    Arrivé au 11eme régiment d’artillerie 10 octobre 1911, il est réformé le 11 mai 1912 car on lui a diagnostiqué une pleurésie au poumon droit et un amaigrissement, le tout incompatible avec le service militaire, au moins en 1911. Il retrouve donc à la vie civile et commence un nouveau périple au nord-est de l’hexagone. Il poussera même jusqu’en Allemagne puisque qu’on trouve dans le carnet les villes de Sarrelouis, Mayence et Wiesbaden. Celle-ci est la dernière de la liste. Il y a fort à parier que les évènements qui ont conduit à la guerre de 14-18 l’ont amené à un retour précipité en France. Paul n’avait pas de d’autres ressources que celles produites par son travail de menuisier. Si son périple dans la région a effectivement duré les trois années qui séparent son retour à la vie civile du début de la guerre dite grande, on peut raisonnablement penser qu’il a exercé sa profession pour en vivre. Mais pourquoi devenir menuisier aussi loin de sa région d’origine ?

    La réponse se trouve peut-être un peu loin dans le fameux carnet. On y trouve en effet une liste de personnes avec leur adresse.

    Le carnet de Paul Bonneton (I)

      

    Le carnet de Paul Bonneton (I)

    Parmi elles,  celles d’Henri Breton, son futur beau-frère, à Paris rue neuve des boulets et trois adresses de Mortimore, une à Paris et deux à la rochelle. Henri Breton est le frère de la future épouse de Paul et l’adresse est celle qu’il donnera lors de la rédaction de l’acte de mariage de sa sœur dont il est témoin. Et Charles Mortimore a épousé le 10 octobre 1910  Alphonsine Désirée Breton qui n’est autre que la sœur ainée de Jeanne Joséphine, la future épouse Paul et grand-mère de l’auteur de ces lignes. On ne sait bien sûr pas à quel moment ces adresses ont été notées dans le carnet, avant ou après sa rencontre avec sa future épouse, mais le passage à La Rochelle pendant son tour de France et la présence de ce nom associé à cette ville dans le carnet ne ressemble vraiment pas à une coïncidence. Donc, Paul s’est lié, lors de son étape dans les charentes, avec la famille Mortimore qui était peut-être accompagnée de la sœur de l’épouse de Charles. Libéré de ses obligations  militaires, l’amour a Paul appelé auprès de sa dulcinée qui ne s'appelait d'ailleurs ni Dulcinée ni Virginie.

    Mais il n’épousera celle-ci que bien plus tard en 1919, après la guerre, qu’il fera dans l’artillerie, car le réformé de 1912 a été jugé bon pour le service en 1915. Mais c’est là une autre histoire que vous découvrirez dans un prochain billet, puisque Paul a noté, toujours dans le précieux carnet, les villes où il se trouvait.


  • Commentaires

    1
    Quagliata Céline
    Mercredi 27 Janvier 2016 à 22:07

    Merci encore une fois pour cet article passionnant, il était où ce carnet?

    On attend avec impatience le prochain billet !

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    2
    Mercredi 27 Janvier 2016 à 23:57

    Pour la rencontre de nos grand parents, une autre hypothèse est envisageable. Que Paul et Charles Mortimore se soient rencontrés à la Rochelle "ne ressemble vraiment pas à une coïncidence", comme le fait remarquer judicieusement Guy. Ils ont presque le même âge, ils sympathisent, et, puisque le tour de France de Paul  passe par Paris, Charles lui donne l'adresse de son beau frère Henri Breton. Lorsque Paul arrive à Paris où il séjourne, il fait la connaissance d'Henri qui lui présente sa soeur Jeanne, qui vit à Viarmes... Vous connaissez la suite de l'histoire. 

    3
    Cécile
    Dimanche 31 Janvier 2016 à 00:45

     l'origine berinareu?

     

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