• les noces mouvementées de Jacques Chéron et Geneviève Clichy

    C’est à Saint Martin du Tertre, village du Val d’Oise, au début du dix huitième siècle, en 1737 exactement, que ce sont déroulés les événements dont il est question dans ce billet.

    Le curé de la paroisse, Claude Lemaitre, est malade et c’est un remplaçant qui officie et rédige les actes de baptême, mariage et sépulture.

    Le mardi quinze janvier 1737, jacques Chéron et Marie Geneviève Clichy sont réunis dans l’église pour recevoir la bénédiction nuptiale. Jacques Chéron est le fils de Jean et de Marie Fichu. Jacques et Jean sont peut-être parents de Marie Chéron notre aïeule portant le numéro Sosa 655 mais aucun acte n’a été trouvé dans les registres à ce jour pour le démontrer. Marie Geneviève Clichy est la  fille de François et Marie Prouin. Selon l’acte de mariage, elle a vingt six ans. Elle est en fait née le vingt cinq aout 1709 et a donc plutôt vingt sept ans. On lui a donné à sa naissance le prénom de Geneviève et non Marie Geneviève. Ces variations dans les âges et les prénoms  sont monnaie courante. L’oncle de la future mariée, Jean Clichy a épousé Marie Levesque, sœur de Louis ou Louis le jeune qui porte le numéro Sosa 644 dans notre arbre. Voici l’acte en question :

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    Cet acte est on ne peut plus classique est rédigé avec une écriture soignée, il n’est donc pas utile de le transcrire. Il est rédigé par un certain Jean Marie, religieux de Franconville qui remplace le curé malade et est daté du 15 janvier 1737. Mais il est barré d’une large croix dont l’explication se trouve sur la page suivante du registre sous la forme de la note suivante.

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    Le moins qu’on puisse dire est que ce texte n’est pas limpide. On comprend que quelqu’un est mort avant le mariage et que la dispense nécessaire n’ayant pas été obtenue, celui-ci n’a pu être fait. Cette note est signée par les curés des villages d’Asnières sur Oise, Viarmes et Vilaines en France, paroisses voisine de Saint Martin du Tertre. Mais la cérémonie du mariage, au moins si on se fie à la rédaction de l’acte de mariage, a bel et bien eu lieu. On y cite les présents et on y précise aussi que certains ne savent pas signer, détail que l’officiant n'a pu découvrir que pendant la cérémonie. Mais, contrairement aux autres actes du registre, il n’y a aucune signature sur le registre, pas même celle du prêtre officiant.

    L’acte suivant sur le registre  nous éclaire, au moins partiellement, puisqu’il s’agit de l’acte de décès du curé Lemaitre,  daté comme le mariage invalidé du 15. L’enterrement du curé à eu lieu de 16, le lendemain de son décès et l’acte de sépulture est signé par ceux-là même qui ont signé la note invalidant le mariage, auxquels se sont joint les curés de Belloy en France  et de Villiers le sec, autres paroisses du voisinage.

    les noces mouvementées de Jacques Chéron et Geneviève Clichy

    On sait dorénavant qui est mort. Ce n’est pas un des deux futurs mariés, c’est le curé du village. Mais en quoi de décès rend-il le mariage célébré par son remplaçant invalide ? Plusieurs actes ont été rédigés par un remplaçant avant celui-ci et il n’y a pas de trace de contestation dans les registres. Peut-être que la dispense accordée par les autorités religieuses pour remplacer le curé malade n’était plus valable après son décès. Si un spécialiste de droit canon lit ces lignes, qu’il ait la bonté de nous donner la réponse.

    Peu importe que la cérémonie ait eu lieu ou non,  Il n’y a pas eu mariage selon l’autorité religieuse. Mais les futurs mariés, qui doivent s’interroger sur la signification de toute cette agitation, n’ont pas renoncé à leur projet et une nouvelle cérémonie est organisée le dix sept janvier, au lendemain des obsèques du curé Lemaitre.

    Voici l’acte rédigé à cette occasion par le même Jean Marie qui avait rédigé l’acte du 15 janvier.

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    Le texte de cet acte est le même que le précédent, sauf la référence au curé malade. Et Jean Marie se nomme comme desservant la cure de la paroisse. Cette fois-ci les signatures sont apposées au bas de l’acte. On y découvre que le nom de famille de Jean Marie, le prêtre officiant, est Villecourt.

    J’imagine que le couple de jeunes mariés est rentré chez lui content d’en avoir fini avec cette histoire invraisemblable. D’ailleurs dans les semaines qui ont suivi cette deuxième cérémonie, le même prêtre a baptisé des nouveaux nés sans que cela ne pose apparemment aucun problème. Mais, près de 150 ans avant la naissance Franz Kafka, les autorités en charge de la validité des mariages ne pouvaient décemment pas se satisfaire d’une telle situation. Une troisième cérémonie fut donc organisée, le quatre février de la même année pour des raisons qui sautent littéralement aux yeux à la lecture de l’acte qui suit.

     les noces mouvementées de Jacques Chéron et Geneviève Clichy

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    les noces mouvementées de Jacques Chéron et Geneviève Clichy

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le prêtre Jean Marie Villecourt, autorisé « seulement » par quelques curés voisins, n’avait donc pas la « juridiction suffisante » pour célébrer le mariage en question.  

    Ce troisième mariage, célébré par Raphaël Guion, lui aussi desservant la cure vacante, fût apparemment le bon puisqu’aucun nouvel acte concernant les tourtereaux n’apparait par la suite dans le registre.

    Rarement union fut autant bénie.


  • Commentaires

    1
    Nico
    Lundi 17 Novembre 2014 à 22:05

    La référence à Kafka est bien appropriée à cette histoire mouvementée. Il est courant de nos jours de voir des gens se marier plusieurs fois, mais rarement avec la même personne ;)


     


     

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    2
    Quagliata Céline
    Jeudi 20 Novembre 2014 à 08:08

    Ce qui m'étonne, c'est la rapidité avec laquelle les actes ont été enchainés alors que les instructions ne venaient pas directement du même lieu (ou alors j'ai loupé un truc) Ils ont fait courir les chevaux?

    3
    Jeudi 20 Novembre 2014 à 14:01

    il y a 19km entre Franconville, où se trouvait le couvent d'origine des prêtres suppléants, et Saint Martin du Tertre. Nos aïeux étaient de bon marcheurs.

    Je me suis aussi posé la question, non seulement de la rapidité des réactions, mais plus généralement d'une tension entre les curés des villages et l'autorité représentée par ce couvent qui devait dépendre directement de l’évêché. Le scénario pourrait être celui-ci :

    - les curés des villages voisins n'apprécient pas que le suppléant célèbre un mariage pendant que leur collègue Claude Lemaitre agonise sur son lit, ils empêchent la conclusion de la cérémonie.

    - très vite, peut-être sous la pression des principaux intéressés, les futurs mariés, un accord est trouvé et le deuxième mariage intervient.

    - les autorités religieuses, qui n'apprécient pas la contestation de leur représentant par les curés du coin, envoient un autre prêtre pour les remettre à leur place.

    Voila. Il ne reste plus qu'à trouver un peu de fric, des acteurs qui acceptent d'être, au mois partiellement, tondus et nous allons pouvoir tourner un blockbuster historico-religieux.

    4
    Vendredi 9 Février à 14:36

    Avec pas mal de retard, je reviens sur ce billet pour corriger une erreur. Dans les actes qui ont servis de source à cette histoire, il est question de Franconville. Au moment où ce billet a été rédigé je pensais qu'il s'agissait de la ville de Franconville située en périphérie de Paris dans le Val d'Oise. En fait le couvent de Franconville où vivaient les moines qui ont rédigé les actes en question se trouve sur la commune de Saint Martin du Tertre. Il apparait sur les cartes Cassini comme vous pouvez le voir, encadré de rouge sur la vue que je vous propose :

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