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mœurs versaillaises
Même à une époque ou le clergé influençait la vie du pays bien plus qu'aujourd'hui, les naissances hors mariage n'étaient pas rares. Plusieurs billets de ce blog nous racontent l'histoire de protagonistes en rupture avec la morale de leur temps.
Mais ce dont il va être question dans le présent billet est sans commune mesure, en terme de fréquence.
La recherche de l'acte de baptême de Charles Antoine Cruzel, dans le billet intitulé " un télégraphiste en enfer" m'a amené à consulter les registres de la paroisse Saint Louis de Versailles. Et on ne peut qu'être surpris du nombre de naissances illégitimes, pour reprendre le terme en usage à l'époque. Voici un exemple, pris au hasard :
L'an mil sept cent soixante et deux le cinq janvier
angélique née ce même jour fille naturelle de père
et mère inconnus à nous présentée par catherine
jeanne tessier sage femme de cette ville soussigné
a été baptisée par nous soussigné prêtre de la
congrégation de la mission faisant les fonctions
curiales le parrain a été jacques masson bedeau
de cette paroisse et la marraine marie madec
épouse de marc françois fleuvin qui ont
signé avec nous
Donc, Angélique naît le cinq janvier, le dix du même mois sont actés deux naissances illégitimes, Jean Germain et Marie Victoire, vraisemblablement des jumeaux, présentés par une autre sage femme, Marie Magdeleine Lovy, le dix neuf janvier c'est au tour d'Angélique Thérèse, le vingt cinq, Louis François Clément et le vingt sept Jeanne Rosalie.
En janvier 1762 il y a donc eu six naissance d'enfants hors mariage et abandonnés par leurs parents. Il y en aura trois en février, deux en mars, trois en avril, trois en mai, une en juin, une en juillet, cinq en août, cinq en septembre, quatre en octobre deux en novembre et enfin deux en décembre. Pour la seule paroisse Saint Louis il y a donc eu en 1762 trente sept naissances illégitimes.
Il faut aussi noter que pour toutes les naissances hors mariage que nous avons rencontrées avant de nous pencher sur celles de Versailles, le nom de la mère de l'enfant est toujours mentionné et la plupart du temps celui du père l'est aussi. Le concept même de père et mère inconnus semble être une spécificité de cette localité.
Je ne vois guère qu'une explication à cela, nous sommes sous le règne de Louis XV. La cour réside à Versailles. Et les historiens crédite l'arrière petit fils de Louis XIV de quinze maitresses avec lesquelles il a eu seize enfants illégitimes. Tout laisse à penser que la cour faisait comme le roi.
La différence est que le roi traitait ses batards avec plus d'humanité que ne le faisaient ses courtisans. Pour le dire d'une autre façon, les autorités religieuses mettaient sur un plan différent les enfants illégitimes des grands noms du royaume et les autres. Les premiers avaient droit à une certaine reconnaissance et à un titre, les autres devaient disparaitre du paysage le plus discrètement possible.
Si vous lisez l'acte reproduit ci-dessus, vous constaterez que rien n'est dit sur ce que devient le nouveau mal né une fois baptisé.
Mais parmi les autres infortunés, il y a anne toinette dont voici l'acte de baptême:
L'an mil sept cent soixante et deux le vingt neuf de mai anne toinette
née ce même jour fille naturelle de père et mère inconnus à nous présentée
par marie françoise pégny épouse de dominique jacinthe legendre
chargé de porter les enfants trouvés à Paris soussigné a été baptisée
par nous soussigné prêtre de la congrégation de la mission faisant les
fonction curiales le parrain a été antoine thery domestique des vallet de
chambre de mr le duc de larodion, la marraine a étét anne toinette mauroy
fille de jean mauroy tourneur lesquels ont signé avec nous
C'est donc Marie Françoise Pigny qui était chargée d'emmener les nouveaux nés à Paris, sans doute à l'hôpital des enfants trouvés.
Apparemment c'était un boulot à plein temps.
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