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Ce n'est peut-être que le fruit du hasard, à moins qu'il s'agisse d'un changement profond des mœurs au moment du passage entre les dix huitième et dix neuvième siècle, période troublée s'il en fut, mais c'est un fait que le blog dont vous êtes à l'instant lecteur et dont les billets récents s'appuient sur les actes dressés à cette époque devient en grande partie une chronique des infidélités et autres aventures extra maritales.
Cela commence, en l'an mil sept cent quatre vingt dix huit, par le couple formé par Louis Langlois et Catherine Honorine Breteville. Le billet "la double inconstance à Viarmes (1)" conte les aventures du mari et "la double inconstance à Viarmes (2)" celles de l'épouse.
Ensuite le billet "Opéra breton" est consacré à Hyacinthe Ebroussard qui abandonne en Bretagne femme et enfants pour revenir dans son pays natal, le Val d'Oise, commencer une nouvelle vie.
Puis nous avons, dans "L'éléphant dans la pièce", l'étonnante histoire de Marie Françoise Félicité Vanesme qui attribue la paternité des enfants qu'elle met au monde à un homme qu'elle n'a pas vu depuis des années.
C'est à Nicolas Dubois que nous allons nous intéresser aujourd'hui. Il est né à Compiègne le neuf juillet mil sept cent quarante deux. A l'âge de vingt trois ans, il épouse, le quatorze janvier mil sept cent soixante six, à Fleurines, un village de l'Oise, une veuve de cinquante deux ans, Marie Jeanne Lavoisier qui a perdu son premier époux, Antoine Frigaux, quatre ans auparavant. Je vous épargne la lecture des actes de naissance et de mariage de ce couple qui ne présentent pas d'intérêt pour cette histoire. Ils sont bien sûr accessibles en ligne sur le site des archives départementales de l'Oise. Vous trouverez toutes les informations nécessaires sur l'arbre que je tiens à jour sur le site de partage geneanet.
Il ne sera plus question du couple dans les registres de Fleurines jusqu'au décès de Marie Jeanne Lavoisier. Voici l'acte dressé à cette occasion :
Aujourd'hui premier jour du mois de germinal
troisième année de la République française une et indivisible
par devant moi Laurent Arnoult maire de cette commune
officier public provisoire pour cause de la maladie de
Louis Guerlin tailleur d'habits membre du conseil général
de cette commune et officier public à l'effet de rédiger
les actes destinés à constater la naissance, mariage
et décès des citoyens de cette commune, conformément
à la loi du 20 septembre mil sept cent quatre vingt
douze (vieux style) est comparu à la chambre de
commune Geneviève Lavoisier, journalière domiciliée
dans cette commune âgée de cinquante cinq ans, assistée de
Jean Louis Lavoisier, marchand de planches âgé de
trente six ans et de pierre Nicolas Lavoisier âgé de
trente trois ans et de Nicolas Havy manouvrier âgé
de trente sept ans, ses neveux, tous trois domiciliés
dans cette commune laquelle Geneviève Lavoisier fille
a déclaré à moi officier public provisoire que Marie
Jeanne Lavoisier sa tante du coté paternel est décédée
hier à six heures du soir en l'absence de Nicolas
Dubois son mari en légitime mariage, en sa maison
située dans cette commune, rue de la grande fontaine
âgée de quatre vingt deux ans; d'après cette décla-
ration; moi officier public provisoire je me suis transporté
au lieu de ce domicile et je me suis assuré du décès de la dite
Marie Jeanne Lavoisier et j'en ai dressé le présent acte que
lesdits Jean Louis Lavoisier, Pierre Nicolas Lavoisier et
Nicolas Havy, témoins, ont signé avec moi, et la dite Geneviève
Lavoisier a délaré ne savoir signer les jours mois et an
que dessus.
L'acte précise que l'époux de la défunte, Nicolas Dubois, est absent. Pourtant on voit bien sa signature au bas de l'acte, même s'il n'est pas cité comme témoin dans le texte. Il faut sans doute en déduire que, prévenu du décès de son épouse, il s'est déplacé pour assister à son inhumation, qui à eu lieu deux jours après le décès. Mais il n'était clairement pas présent au domicile conjugal au moment où son épouse est morte.
On comprend mieux la formulation de cet acte lorsque on retrouve la trace de Nicolas Dubois à Chaumontel.
Contrairement à Fleurines, Chaumontel n'est pas dans l'Oise, mais dans la Val d'Oise même si les deux localités ne sont distantes que d'une trentaine de kilomètres. Voici l'acte où il est question de Nicolas Dubois :
Aujourd'hui deuxième jour d'avril 1782 à été par moi
soussigné baptisé un fils, né de ce jour ?? d'elisabeth
pincemaille et des œuvres de nicolas dubois carrier en grès
ledit dubois originaire de fleurines, vivant depuis environ dix huit
mois dans cette paroisse avec ladite mère de l'enfant lequel
a été nommé rose augustin par mr augustin boullet
cuisinier de mr Bouillard de Bertinval, assisté de
rose marguerite lamar gouvernante dans la même maison
tous de cette paroisse qui ont signé avec nous présence des
soussignés
Le curé n'utilise pas en rédigeant cet acte la formule habituelle, "né du légitime mariage de..." mais mentionne les "œuvres de nicolas dubois" ce qui indique clairement que si les géniteurs du nouveau né ne sont pas mariés, ils ne font pas mystère de leur relation.
L'histoire se répète un peu plus de trois en plus tard, avec quelques variantes qui ont leur importance :
L'an mil sept cent quatre vingt cinq le vingt cinq du mois
de novembre est né et le vingt six a été baptisé par moi
curé soussigné jean henry, fils de nicolas dubois
manouvrier à avilly et de marie elisabeth
pincemaille son épouse le parrain a été jean henry
harlet qui a signé avec nous et la marraine marie marguerite
victoire ? qui a déclaré ne savoir signer
Le couple s'est déplacé dans l'Oise vit dorénavant à Avilly, où Avilly Saint Léonard pour donner le nom complet.
Ce village se situe à peu près à mi-chemin entre Fleurines et Chaumontel.
Dans cet acte le curé cite Marie Elisabeth Pincemaille comme épouse de Nicolas Dubois. Il semble donc qu'il ignore la situation réelle du couple. Les intéressés se sont apparemment bien gardés de la lui révéler.
A trois autre reprise, le curé Blanquet qui officie à Avilly Saint Léonard va réutiliser la même formule d'épouse pour qualifier Marie Elisabeth Pincemaille, lors du décès de Jean Henry, le douze septembre mil sept cent quatre vingt sept, le vingt six septembre mil sept cent quatre vingt sept à la naissance de Louise Adélaïde et le deux septembre mil sept cent quatre vingt neuf à la naissance de Pierre Marie. C'est seulement le premier août mil sept cent quatre vingt douze que la rédaction de l'acte de naissance de Noel laisse penser qu'il a connaissance de la situation de Nicolas Dubois :
L'an mil sept cent quatre vingt douze le vpremier du mois d'août est
né et le second a été baptisé par moi curé soussigné noel, fils
de nicolas dubois et naturel de marie elisabeth pincemaille
demeurant à avilly le parrain a été noel nicolas leblond
entrepreneur des ponts et chaussées résidant à senlis soussigné et la
marraine a été marie louis françoise noel de senlis qui a déclaré
ne savoir signer.
En effet, enfant naturel est le terme consacré à cette époque pour qualifier les naissances hors mariage.
C'est une formule tout aussi alambiquée aussi est utilisée au décès de Nicolas Dubois, le premier mai mil huit cent deux :
du douze floréal l'an dix de la république
acte de décès de Nicolas Dubois bateur de bavé demeurant
à avilly de cette commune âgé de cinquante huit ans
natif de St Germain les Compiègne, veuf de Marie
Jeanne Lavoisier décédée en la commune de Fleurines de ce
département décédé hier à huit heures du soir
sur la déclaration à moi faite par Marie Jeanne Pincemaille
demeurant chez lui et par François Marcq demeurant
en cette commune qui a signé
Constaté suivant la loi par moi Jean Louis François
Leclerc adjoint au maire de cette commune faisant
les fonctions d'officier public de l'état civil soussigné.
Maintenant que Marie Jeanne Lavoisier est morte, il devient possible d'évoquer sa relation de veuf avec elle. Pour ce qui est de Marie Elisabeth Pincemaille, on "apprend" qu'elle vit chez lui. Le fait qu'elle soit la mère de ses cinq enfants, dont quatre sont vivant à ce moment est pudiquement omis.
Il reste un acte à lire pour nous aider à comprendre dans quelle situation étaient les proches de Nicolas Dubois en conséquence de sa double vie. Il s'agit de celui dressé lors du mariage de Rose Augustin Dubois, fils ainé de Nicolas avec Marie Jacqueline Lecomte, mariage célébré à Viarmes douze septembre mil huit cent seize. Comme cet acte est soigneusement écrit et très lisible, je me suis contenté de transcrire la partie située au tout début, avec la filiation du futur époux.
l'an mil huit cent seize, le douze du mois de septembre
par devant nous maire et officier de l'état civil de la
de la commune de viarmes canton de luzarches, deuxième
arrondissement du département de seine et oise
est comparu rose augustin, carrier en grès
né à chaumontel le deux avril mil sept cent
quatre vingt deux, demeurant à saint firmin
canton et arrondissement de senlis, département
de l'oise, fils naturel d'elisabeth pincemaille
ci présente et consentante audit mariage
demeurante audit saint firmin et suivant son
acte de naissance, provenant des œuvres de
défunt nicolas dubois en son vivant aussi
carrier en grès et demoiselle marie jacqueline leconte
.....
On voit, à la lecture de ce texte, que jamais le patronyme Dubois n'est accolé au prénom du futur époux. De même, Noel et Pierre Marie ses deux frères cités comme témoins, sont décrit comme étant des œuvres de Nicolas Dubois sans qu'aucun nom de famille soit accolé à leur prénom. Dans le récapitulatif en fin d'année, le nom de Dubois n'est pas non plus mentionné :
Il est clair que, même après la mort de son épouse légitime, Nicolas Dubois n'a pas régularisé sa situation avec la femme qui a partagé une bonne partie de sa vie. Plus grave sans doute, ses propres enfants sont resté illégitimes et ont vraisemblablement été privés de tout droit d'héritage à la mort de leur père. Ce point mériterait d'être vérifié, un testament a sans doute pu corriger cette injustice.
Et si vous avez la curiosité de consulter la table décennale de cette période pour la ville de Viarmes, vous constaterez que ce mariage n'est pas dans la liste.
Enfin, les frères et sœur de Rose Augustin ont été traités différemment lors de leur mariage respectifs. Il sont considérés comme enfants de Nicolas Dubois. Cela tient sans doute à la rédaction différente de leur acte de naissance.
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Dans le billet précédent intitulé mourir à Dresde, consacré à Pierre Louis Lecomte, malheureux soldat de l'armée napoléonienne mort à Dresde en mil huit cent treize, sa famille était brièvement évoquée. Voici le récit des évènements vécus par cette famille à Noisy sur Oise en l'absence du chef de famille.
En partant pour endosser l'uniforme des fantassins de Napoléon, Pierre Louis a laissé derrière lui Marie Françoise Félicité Vanesme qu'il avait épousé le dix sept novembre mil huit cent huit, à Noisy sur Oise, et l'enfant que le couple a eu, Françoise Julienne, qui est née à Noisy sur Oise le treize octobre mil huit cent neuf.
Cette dernière avait à peine commencé la seconde année de sa vie lorsque son père a quitté le foyer familial puisque, selon sa fiche matricule, Pierre Louis est arrivé au corps le trois mai mil huit cent onze.
Il faut se tourner vers les registres d'état civil de Viarmes pour retrouver le nom de Marie Françoise Félicité Vanesme. C'est dans l'acte ci-dessous dont je vous propose la lecture que ce nom réapparait:
l'An mil huit cent quinze le vingt huit du mois de décembre à huit
heures du matin, par devant nous François Perrin Maire et officier de
l'état civil de la Commune de Viarmes Canton de Luzarches Deuxième
arrondissement du Département de Seine et Oise, est comparu Monsieur
Jean Baptiste Harte, chirurgien accoucheur âgé de vingt neuf ans
demeurant en cette commune lequel nous a présenté un enfant du sexe féminin
née le vingt sept du mois de décembre à six heures du matin du légitime
mariage de Pierre Louis Lecomte, soldat aux armées françaises et de
marie françoise félicité Vanesme, son épouse âgée de vingt six ans
domiciliée en la commune de Noisy sur Oise demeurant présentement en cette
commune de Viarmes et auquel on a donné à l'instant les prénoms de
Jeanne Françoise Catherine lesdites déclarations et présentations faites
en présence des sieurs Jean Nicolas Davanne cultivateur âgé de cinquante
cinq ans. Le second témoin Jean François Léonard, tailleur d'habits âgé de
trente quatre ans tous deux demeurants en cette commune et ont les déclarants
et témoins signés avec nous le présent acte de naissance après que lecture leur en
a été faite à l'exception de Pierre Louis Lecomte qui n'ayant pas signé vu
son absence.
Vous savez, au moins si vous avez lu attentivement le billet consacré à la brève carrière militaire de Pierre Louis Lecomte, que celui qui est nommé dans l'acte comme père de l'enfant nouveau né est mort depuis plus de deux ans et que son "absence" n'a donc rien de temporaire ni d'étonnant.
Vous savez aussi que la mère de l'enfant en question ignore, au moins formellement, le décès de celui avec lequel elle s'est unie devant le maire de Noisy sur Oise. Elle est par contre particulièrement bien placée pour savoir que Pierre Louis Lecomte n'est pas le père de la petite Jeanne Françoise Catherine.
Noisy sur Oise est tout près de Viarmes et ces deux localités sont plutôt petites. Dans ce monde assez fermé, peu de choses restent secrètes très longtemps. Le rédacteur et les témoins connaissaient ils la situation réelle de Marie Françoise Félicité Vanesme au moment où ils ont signé cet acte manifestement et grossièrement faux ?
Je penche pour ma part plutôt pour une certaine mansuétude face à la situation d'une femme abandonnée qui n'a aucun moyen de dissoudre son union avec un époux réputé vivant mais introuvable et qui doit faire face, seule, aux aléas de la vie. Ceci est d'autant plus plausible si, hypothèse qu'on ne peut exclure, Pierre Louis Lecomte a empoché la somme rondelette que lui a rapporté son remplacement pour s'enfuir et démarrer une nouvelle vie.
C'est de nouveau à Viarmes qu'apparaitra le nom de Marie Françoise Félicité Vanesme dans un registre :
l'An mil huit cent dix sept le dix sept du mois
de mars à huit heures du matin, par devant nous François Perrin
Maire officier de l'état civil de la Commune de Viarmes Canton de Luzarches Deuxième arrondissement du Département de Seine et Oise,
est comparu Monsieur Jean Baptiste Harte, chirurgien accoucheur âgé
de trente ans demeurant en cette commune lequel nous a présenté un
enfant du sexe féminin née le seize du mois de mars à
sept heures du matin du légitime mariage de Pierre Louis
Lecomte, soldat aux armées françaises et de marie françoise
félicité Vanesme, son épouse âgée de vingt sept ans
demeurante en cette commune et auquel on a donné à
l'enfant les prénoms de Joséphine Prudence lesdites
déclarations et présentations faites en présence de messieurs
Joseph Xavier Latré, boucher âgé de vingt six ans, parrain
de l'enfant demeurant en cette commune. Le second témoin
Pierre Louis Duboscq, aussi boucher âgé de trente deux
ans demeurant à Belloy canton dudit Luzarches, département de Seine et
Oise époux de la marraine de l'enfant. Et ont les déclarants
et témoins signés avec nous le présent acte de
naissance après que lecture leur en a été faite à l'exception
de Pierre Louis Lecomte qui n'ayant pas signé vu son absence.
Cet acte est une copie presque mot pour mot du précèdent. Seuls changent les noms de la nouvelle née et des témoins. Chacun fait mine de trouver parfaitement normale l'absence du père désigné, bien que personne ne l'ait vu ni ait eu de nouvelle de lui depuis six ans.
Nous allons maintenant parcourir les quelques trois kilomètres qui séparent Viarmes de Noisy sur Oise pour découvrir le prochain épisode de cette histoire.
C'est en effet là que Joséphine Prudence va mourir, rejoignant l'inimaginable cohorte des enfants morts dans leur prime enfance.
l'an mil huit cent dix huit le
mardi vingt deux septembre a été dressé
l'acte de décès de joséphine prudence
lecomte dédédé de la veille âgée de
seize mois, fille de Pierre Louis Lecomte
soldat aux armées française et de marie
françoise félicité vanesme domiciliée
en cette commune de noisy sur oise
deuxième arrondissement du département
de seine et oise sur la déclaration
à moi faite par nicolas germain
gerard tisserand âgé de cinquante ans
et par lucien vatellier instituteur
âgé de quarante cinq ans, tous deux
domiciliés audit noisy sur oise
et constaté par moi germain
devaux maire et officier public de l'état
civil dudit noisy soussigné avec les
témoins après lecture faite.
dont acte fait à la mairie le jour
mois et an susdit
Pas plus qu'à Viarmes on ne s'étonne de l'absence du père lors du décès de sa soi-disant fille. Mais sa situation de soldat est sans doute considérée comme une explication suffisante.
Nous allons rester à Noisy sur Oise pour la suite des aventures de Marie Françoise Félicité. C'est en effet dans cette commune que va naitre son premier enfant male.
du dix sept février mil huit cent dix neuf
heure de dix du matin acte de naissance
de joseph marie lecomte du sexe masculin
né d'aujourdhui à huit heures chez
ses père et mère fils de pierre louis lecomte
soldat aux armées françaises et de
marie françoise félicité vanesme
demeurant en cette commune son épouse
légitime
les témoins ont été nicolas germain
gerard tisserand âgé de cinquante
deux ans et lucien vatellier instituteur
âgé de quarante six ans tous deux
demeurants en cette commune de noisy
sur oise
sur la déclaration de Mr jean
baptiste harte chirurgien accoucheur
demeurant à Viarmes qui a signé
avec les témoins et nous maire après
lecture faite
Joseph Marie ne vivra qu'un an et c'est à Noisy sur Oise que son acte de décès sera dressé.
du seize février mil huit cent vingt,
heure de huit du matin, acte de décès
de joseph marie lecomte âgé d'un an
né en cette commune de noisy sur oise
décédé d'avant hier à huit heure du soir
en sa demeure fils de pierre louis lecomte
absent depuis cinq ans, soldat aux armée
française et de marie françoise félicité
vanesme demeurant en cette commune
les témoins ont été nicolas germain
gerard tisserand âgé de cinquante trois ans
et lucine vatelier instituteur âgé de quarante
ans tous deux demeurant en cette
commune lesquels ont signé ave nous
maire après lecture faite et le décès
constaté par nous soussignés
A part une mention de la durée de l'absence du père de l'enfant défunt, quelque peu minorée puisque cela fait non pas cinq ans que Pierre louis Lecomte à disparu mais bien presque sept ans si on compte à partir de la date de son décès et même neuf si c'est la date de son arrivée à l'armée qui démarre le compteur. Mais chacun fait mine de ne pas voir l'éléphant dans la pièce, à savoir le père de ces enfants systématiquement nommé dans les actes et qui est toujours absent.
Il est temps d'assister au dénouement de cette histoire. C'est en deux temps que les habitants des communes de Noisy sur Oise et de Viarmes vont sortir du déni dans lequel elles vivent depuis plusieurs année à propos de Pierre Louis Lecomte.
D'abord il y a ce texte écrit dans le registre de Noisy sur Oise :
aujourd'hui trois février mil huit cent vingt trois
nous maire de la commune de noisy sur oise avons
reçu de son excellence le ministre de la guerre une
expédition de l'acte de décès de pierre louis lecomte
fils de françois simon lecomte et de marie
geneviève grasaleuil né en mil sept cent quatre
vingt huit en cette commune de noisy sur oise
en conséquence nous avons transcrit sur les deux
registres le contenu de ladite expédition
demeurera annexée au registre qui
doit être déposé au greffe du tribunal.
Par ordre du ministre secrétaire d'état de la
guerre
le secrétaire général du ministère certifie
que du registre matricule du douzième
régiment de ligne, déposé au bureau des lois
et archives, section de l'état civil militaire
a été extrait ce qui suit folio 132 n° 3787.
pierre louis lecomte fils de françois
simon et marie geneviève grasaleuil né le
mil sept cent quatre vingt huit à noisy sur oise
département de seine et oise entré au service
le trois mai mil sept cent onze en remplacement
du sieur joseph hudes, conscrit de mil huit cent onze
compris sur la lsite du canton de luzarches
sous le n° vingt deux
mort par suite de fièvre à l'hôpital du
grand manège à Dresde le quatorze août
mil huit cent treize.
en foi de quoi il a été délivré le présent
certificat pour servir et valoir ce que de raison
fait à Paris le dix huit décembre mil huit cent
vingt deux l'intendant général de l'administration
signé Perceval
de tout quoi nous avons dressé le présent
acte que nous avons signé sur les deux registres
lesdits jour mois et an.
Les proches de Pierre louis Lecomte sont désormais au courant de sa mort, ceux qui s'en doutaient, comme les autres, s'il en restaient.
Vous, lecteurs, le saviez dès le début de cette narration mais vous vivez en 2021 et les registres matricules des soldats de Napoléon sont accessibles sans même sortir de chez soi. Merci tout de même au bénévole qui a indexé, sous le pseudo matricules1815, le registre dans lequel se trouve la fiche de Pierre Louis Lecomte. C'est grâce à ce travail d'indexation qu'on peut retrouver en quelques seconde la fiche d'un soldat avec seulement son nom et sa commune d'origine.
les habitants de Noisy sur Oise ont attendu en 1823 près de dix ans pour connaitre ce que fut son destin.
Sur la page suivante du registre de Noisy sur Oise se trouve un acte qui va faire sortir de l'ombre un personnage dont ont pouvait présumer l'existence mais qui avait l'obligation de rester caché, au moins dans le documents officiels.
du douze février mil huit cent vingt trois
heure de dix du matin, acte de mariage de jean baptiste
honoré briot cordonnier âgé de trente deux ans
né en cette commune y demeurant fils légitime
de pierre toussaint briot propriétaire et de
marguerite honorine gauthier demeurant en
cette commune
et marie françoise félicité vanesme âgée
de trente trois ans , née également en cette commune
y demeurant, veuve de pierre louis lecomte
et fille de défunt françois alexis vanesme
vigneron et de marie elisabeth beaucheron
demeurant aussi en cette commune
nous maire de la commune de noisy sur oise
vu les actes de naissance des futurs, l'acte de
décès du mari de la future et celui de son père
ainsi que les actes de publication faites les
cinq et douze de janvier dernier sans opposition
après avoir donné lecture aux parties
comparantes assistées des quatre témoins
ci après nommés, soussignés, des pièces
susénnoncées relatives à leur état et aux
formalités de mariage toutes les dites
pièces en bonne forme dûment signées
et paraphées au désirs de la loi pour être
déposées au greffe du tribunal ainsi que
du chapitre six du titre du mariage
sur les droits et devoirs des époux
Avons reçu la déclaration de jean baptiste
honoré briot qu'il prend pour épouse marie
françoise félicité vanesme et de la part
de marie françoise félicité vanesme qu'elle
prend pour époux jean baptiste honoré
briot
en conséquence, nous avons déclaré
au nom de la loi que jean baptiste honoré
briot et marie françoise félicité vanesme
sont unis en mariage
lesdits époux nous ont déclaré qu'il
existe un enfant naturel de sexe féminin
fruit de leurs œuvres que cet enfant
loin d'avoir été reconnu lors de sa naissance
particulièrement par jean baptiste honoré
briot, fut présenté à l'officier public de la
commune de viarmes le vingt huit décembre
mil huit cent quinze comme provenant
du légitime mariage de marie françoise félicité
vanesme avec pierre louis lecomte soldat
aux armées françaises attendu que la preuve légale
du décès de celui-ci n'était pas encore acquise
qu'il est évident que cet enfant ne pouvait
appartenir audit lecomte puisqu'il est né deux
ans quatre mois et treize jours après sa mort
suivant l'acte ci-dessus énoncé , les époux susdénommés
reconnaissent donc pour leur enfant qu'ils
entendent légitimer jeanne françoise catherine
née à viarmes le vingt sept décembre mil huit
cent quinze à dix heures du matin qu'ils nous ont
présenté se réservant de pouvoir par la voie
qu'indique la loi pour faire rectifier l'acte civil
qui a été dressé à viarmes pour constater
la naissance de cette fille, laquelle déclaration
nous avons reçu et inscrite sur les deux registres
tout ce que dessus fait en présence et du consentement
des père et mère du contactant et de la mère
de la contractante, comme aussi en présence
de françois petit, peintre âgé de vingt huit ans
demeurant à paris, neveu de l'épouse, michel
guerlin cultivateur âgé de quarante cinq ans
beau frère de l'époux, françois anselme
renard, boucher âgé de cinquante trois ans
et jacques antoine chalot, maréchal ferrant
âgé de vingt six ans, tous trois demeurant
en cette commune qui ont signé avec le père
du contractant et nous maire après lecture
faite en deux mères du contractant et la
contractante ont déclaré ne savoir signer
de ce requis.
C'est donc Jean Baptiste Honoré Briot, le nouveau venu, qui reconnait comme son propre enfant Jeanne Françoise Catherine, la première née des enfants après la disparition de Pierre Louis Lecomte. Je ne sais si la question de la reconnaissance des deux autres enfants, Joséphine Prudence et Joseph Marie s'est posé. Sans doute les protagonistes ont décidé que les deux étant mots en bas âge, il convenait de laisser de coté la question de leur nom de famille.
Cela pose néanmoins un problème au généalogiste. Leur laisser le nom de Lecomte n'est pas raisonnable puisqu'on est certain qu'il n'est pas leur père. Il n'est pas question non plus de les nommer Briot puisque rien ne prouve qu'ils sont ses enfants et que, contrairement à Jeanne Françoise Catherine, ils ne les a pas formellement reconnus. Pour ma part, il seront nommés Vanesme dans mon arbre et seront nés de père inconnu.
On pourrait aussi s'interroger sur le raisonnement du maire de Noisy sur Oise qui écrit que, comme Pierre Louis Lecomte était décédé depuis longtemps à la naissance des enfants en question, il ne pouvait en être le père et que tous ceux qui ont attesté la vérité des actes d'état civil qui les concerne sont absous d'un mensonge manifeste.
Tout aussi troublant le fait que selon le maire, c'est la preuve légale du décès du premier époux de Marie Françoise félicité Vanesme qui permet de procéder au mariage de celle devenue veuve avec Jean Baptiste Honoré Briot et que le document qui apporte cette preuve est daté du trois février mil huit cent vingt trois, comment a-t-il été possible de publier en mairie les bans du nouveau mariage les cinq et douze janvier de cette même année ?
Il y a fort à parier que ces bans sont anti datés. On est pas a un arrangement près à Noisy sur Oise.
J'ignore si le tribunal de Pontoise, saisi pour modifier les actes d'état civil, s'est posé les mêmes questions, mais il a fini par accepter la requête des nouveaux époux et cela se traduit par la mention marginale à l'acte de mariage des nouveaux époux :
l'enfant mentionné
au présent acte de
mariage a été
légitimé en vertu
d'un jugement rendu
à Pontoise le jeudi
3 avril 1823
dont expédition
nous a été
communiquée
Une mention en marge de l'acte de naissance de Jeanne Françoise Catherine officialise le changement de nom de famille de l'enfant.
Ami lecteurs, vous me pardonnerez sans doute d'avoir caché cette mention qui aurait ôté une bonne partie de son intérêt à cette histoire si vous en aviez eu connaissance aussi tôt.
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Mes recherches en cours sur nos ascendants et leurs collatéraux plus ou moins proches du Val d'Oise concernent actuellement l'année 1815, qui est restée dans l'histoire du pays comme celle des cent jours et du bref retour au pouvoir de Napoléon Bonaparte.
Avec les retards pris par l'administration de l'époque pour gérer les dossiers des très nombreux soldats morts pendant les différentes campagnes, certains actes de décès, parfois fort anciens, sont transcrits dans les registres de la commune d'origine du soldat mort en opération.
C'est le cas de celui de Pierre Louis Lecomte qui est né à Noisy sur Oise le huit septembre mil sept cent quatre vingt huit et s'est engagé à vingt-deux ans.
Voici sa fiche matricule:
Cette fiche nous donne, en plus des caractéristiques physiques, de précieux renseignements sur son passage dans les rangs de la grande armée.
Pour commencer la fiche nous apprend que Pierre Louis Lecomte est le remplaçant de Joseph Hudde, un ressortissant de Saint Martin du Tertre, une commune voisine de Noisy sur Oise.
Un petit rappel pour ceux qui ignoreraient ce que cela signifie, chaque année se réunissaient au chef lieu de canton tous les jeunes hommes qui avait atteint l'âge de vingt ans dans l'année, pour le conseil de révision.
On examinait tout d'abord l'état de santé de chaque participant afin de vérifier si il était "bon pour le service". Les heureux élus était ensuite classés par un tirage au sort. Les hommes étaient ensuite appelés aux armées en fonction des besoins, dans l'ordre croissant des numéros tirés.
Plus le numéro était petit plus grandes étaient les chances d'être appelé. Il était possible, moyennant un dédommagement négocié entre les parties, de se faire remplacer.
Un homme issu d'une famille aisée ayant tiré un mauvais numéro pouvait ainsi envoyer aux armée un autre plus chanceux au tirage mais prêt à passer quelques années sous l'uniforme et à y risquer sa peau pour améliorer la situation financière de sa famille.
C'est la loi Jourdan qui a instauré en mil sept cent quatre vingt douze la conscription pour tous les hommes valides qui étaient donc potentiellement des soldats. Le système de remplacement s'est mis en place au fil du temps.
Normalement un remplaçant devait remplir certaines conditions, dont celle de ne pas être marié. Pourtant, Pierre Louis Lecomte était bien marié et même père de famille en mil huit cent onze.
En effet son mariage avec Marie Françoise Vanesme a été célébré à Noisy sur Oise trois ans plutôt, le dix sept novembre mil huit cent huit et Françoise Julienne est venue au monde le treize octobre mil huit cent neuf. Alors comment Pierre Louis a-t il pu remplacer Joseph Hudde ? Voila une question dont j'ignore la réponse.
On trouve dans la dernière colonne de la fiche matricule sous la désignation "date et motifs de sortie du corps" une brève description des évènements qui ont jalonnés son passage sous les drapeaux. Probablement inscrite dans l'ordre chronologique, on trouve les mentions suivantes :
- perdu en russi (russie) rayé le 1er juillet 1814. Il s'agit de la désastreuse campagne de Russie qui a dévasté la grande armée. Sans doute qu'à la date mentionnée on avait perdu la trace de ce soldat, comme de beaucoup d'autres. D'ailleurs les noms qu'on trouve dans la liste avant et après celui de Pierre Louis Lecomte portent presque tous la même mention. Comme cette liste est organisée par entité militaire, ici le 12eme régiment d'infanterie de ligne, on peut en déduire que cette unité a subit d'énormes pertes. Le fait qu'on ne raye les noms de ces soldats que plusieurs années après ces évènements révèle la pagaille dans laquelle s'est déroulée la retraite de Russie avec sa traversée de la bérézina, de triste mémoire.
- Co d'absce 6 mars 1819 Mte de la justice. Si j'interprète correctement les abréviations, une "commission d'absence" du ministère de la justice s'est penchée sur le cas de notre malheureux Pierre Louis. Je n'ai pas la moindre idée de ce que cette commission était censée faire et on ne peut pas dire que le texte noté sur la fiche soit des plus explicite.
- mort par suite de fièvre à l'hôpital du grand manège à Dresde le 14 août 1813 (ext mort). Certifié le 18 Xbre au mtre de la justice et au maire de Noisy pour ?? Donc, plus de neuf ans après le décès de Pierre Louis Lecomte, vraisemblablement en utilisant les mortuaires des hôpitaux où ont été soignés les soldats, ont apprend où et comment il est mort. Il a donc bien survécu à la terrible retraite de Russie et à participé à la campagne d'Allemagne pour finir terrassé par la fièvre à l'hôpital de Dresde. C'est un nouvel exemple des conséquences de l'état sanitaire déplorable des troupes à cette époque.
Et la famille de Pierre Louis Lecomte qui est restée sans nouvelle du soldat pendant toutes ces années va découvrir quel a été son sort. Il s'est d'ailleurs passé à Noisy sur Oise, pendant que le chef de famille guerroyait en Europe, des choses qui méritent d'être contées. Ce sera le sujet d'un nouveau billet.
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Le billet que je vous propose aujourd'hui est une variante bretonne et approximative du célèbre opéra de Giacomo Puccini, Madame Butterfly.
Au cas improbable ou certains lecteurs de ces lignes ignoreraient de quoi parle cet opéra, voici, en quelques mots, de quoi combler cette lacune.
Au Japon, sous l'ère Meiji (1868-1912), un officier américain, Benjamin Franklin Pinkerton, séduit une jeune japonaise, Cio Cio San qu'il épouse. Mais pour Pinkerton, ce mariage n'est qu'un divertissement et il ne tarde pas à disparaitre, abandonnant sa jeune épouse. Envers et contre tous, elle lui restera fidèle, attendant son retour avec l'enfant qu'il lui a fait. Pinkerton reviendra bien au Japon, mais accompagné de son épouse, la vraie selon lui, une américaine. Comprenant comment elle a été trompée, Cio Cio San abandonnera son enfant et se donnera la mort.
Le Pinkerton de mon histoire se nomme Hyacinthe Ebroussard. Il est né à Maffliers, dans le Val d'Oise, le treize mai mil sept cent soixante et onze. Il n'est certes pas allé au Japon, mais en mil sept cent quatre vingt seize, un peu plus de cent ans avant la première de l'opéra de Puccini, le voyage qu'il a fait n'avait rien d'ordinaire. Vous connaitrez sa destination en lisant l'acte qui suit.
Le trois Messidor l'an quatrième de la République française aux six
heures du soir devant nous Mathurin Hardy officier municipal faisant
fonction d'officier public de la commune de Vitré ont comparu à la
maison communale le citoyen Hyacinthe Ebroussard, cordonnier au
neuvième bataillon de la dix neuvième demi brigade d'infanterie
légère âgé d'environ vingt cinq ans originaire de la commune de
Maffliers et domicilié de celle de Montsoult , fils légitime de Jean
François Ebroussard manouvrier originaire de la même commune et de
Marguerite Carette originaire de celle de Fresnoy en Picardie, canton
d'Ecouen département de Seine et Oise et la citoyenne Louise
Jacquine Jourdan lingère, âgée de vingt quatre ans fille légitime
du citoyen Henry Jourdan couvreur et de Jeanne Moran tricoteuse
ci présent les trois originaires de la commune de Vitré y demeurant
rue de Paris vu aussi le consentement audit mariage desdits
Jean François Ebroussard et Marguerite Carette, rapporté par le citoyen
Antheaume notaire dont la signature est certifiée véritable par la
municipalité dudit Montsoult; lesquels futurs conjoints étaient
accompagnés des citoyens Jean Guyomar, cloutier âgé de quarante
six ans, François Moulin cordonnier âgé de cinquante deux ans
Juline Baulin marchand, âgé de vingt huit ans demeurants ditte
rue de Paris et Jean Marie Colinet sous lieutenant des canonniers
de la garde nationale de Vitré âgé d'environ vingt neuf ans demeurant
rue Potterie, voisin et amis des futurs conjoints et tous du département
d'Ille et Vilaine nous dit Hardy après avoir fait lecture en présence
des parties et desdits témoins 1° de l'acte de naissance du citoyen
Hyacinthe Ebroussard qui constate qu'il est né le treize mai
mil sept cent soixante et onze (vieux style) en ladite commune de
Maffliers 2° de l'acte de naissance de la citoyenne Louise Jacquine
Jourdan qui constate qu'elle est née le vingt sept mars mil sept
cent soixante douze en ladite commune de Vitré 3° de l'acte de
publication des promesses de mariage entre les futurs conjoints d'après
par nous dit Chardy le quatorze Floréal dernier publiées et affichées
le lendemain à l'heure de midi à la porte principale de notre maison
commune et à celle de Montsoult le neuf Prairial dernier suivant
le certificat de l'officier de ladite commune attesté véritable par
la municipalité du canton d'Ecouen sans opposition parvenue à
notre connaissance ; d'après aussi que les citoyens Hyacinthe Ebroussard
et Louise Jacquine Jourdan nous ont déclarés à haute voix se
prendre mutuellement pour époux nous avons prononcé au nom
de la loi qu'ils sont unis en mariage et avons rédigé
le présent acte sur notre seing et ceux desdits témoins les contractants
ayant déclaré ne le savoir faire. fait à la maison commune lesdits
jour, mois et an ci-dessus.
C'est donc en Bretagne intérieure, dans la ville de Vitré, que notre cordonnier militaire, enrôlé dans l'armée de la République, a trouvé son épouse. La vie de ce couple continue de façon apparemment banale puisque, onze mois après le mariage, le trente mai mil sept cent quatre vingt dix sept, un enfant male nait dans le couple auquel on donne le nom de Hyacinthe Henry manifestement en hommage à son grand-père Henry Jourdan.
La lecture de l'acte de naissance du nouveau né ne présente pas d'intérêt particulier. Notons toutefois que la profession de Hyacinthe Ebroussard, le père de l'enfant, notée dans cet acte est chasseur et non cordonnier comme lors de son mariage. Il appartient toujours à la même unité et est absent. Louise Jacquine Jourdan accouche dans la maison de son père, Henry Jourdan.
Le registre contenant l'acte est accessible sur le site des archives départementales de l'Ille et Vilaine sous la cote "Vitré 1796-1797 cote 10NUM35360 371". L'acte lui même se trouve sur la vue n°81.
En mil huit cent quatre, le quatre avril, c'est Jean Baptiste Pierre qui apparait dans le foyer. C'est bien Hyacinthe Ebroussard qui déclare l'enfant à l'administration. Il se dit cordonnier et donne une adresse à Vitré. les deux témoins exercent aussi la profession de cordonnier. Tout semble indiquer que Hyacinthe a quitté sa position militaire et qu'il exerce son métier dans la ville où il s'est marié, Vitré. L'acte se trouve dans le registre "Vitré 1804-1805 vue 33/68 cote 10NUM35360 379".
Enfin, deux ans plus tard, le vingt deux avril mil huit cent sept, Marie Françoise rejoint la famille. Voici l'acte dressé à cette occasion :
L'an mil huit cent sept le vingt deux avril à dix heures du soir
par devant nous Mathurin Renè le Moygne de la Borderie maire et officier
public de la commune de Vitré canton du même nom département d'Ille
et Vilaine est comparue Renée Lenoir veuve Lelay sage femme
jurée de cette ville y demeurant grande rue notre dame laquelle
nous a déclaré que ce jour à neuf heures du matin est né un enfant
du sexe féminin qu'elle nous a présenté et auquel elle a déclaré
donner les prénoms de Marie Françoise lequel enfant est né
de Louise Jourdan, tricoteuse native de Vitré y demeurant rue
hellerie épouse de Hyacinthe Ebroussard, cordonnier, natif de
Maffliers département de Seine et Oise, absent. Ladite déclaration
faite en présence de François Marie Gautier, tisserand âgé de trente
huit ans demeurant rue pellerie et de Jean Baptiste Guerlé
cordonnier âgé de trente neuf ans demeurant place impériale
amis et ont ladite témoin Gautier signé avec nous
le présent acte de naissance ledit Gerlé ayant
déclaré ne le savoir faire après qu'il lui a été fait lecture
La malheureuse Marie Françoise ne vivra qu'à peine plus d'un an. Voici son acte de décès, toujours extrait des registres de Vitré.
L'an mil huit cent huit le vingt cinq mai à dix heures du matin par devant
nous Mathurin René Le Moygne de la Borderie maire et officier public de la
commune de Vitré canton du même nom département d'Ille et Vilaine sont
comparus Henry Jourdan couvreur âgé de trente deux ans demeurant en cette ville
rue neuve et Pierre Leroy couvreur âgé de cinquante un ans demeurant rue hellerie
de cette ville voisin de la défunte ci-après dénommée lesquels nous ont déclaré
que Marie Françoise Ebroussard âgée de teize mois fille de Hyacinthe Ebroussard et de
Louise Jourdan est décédée le jour d'hier à cinq heures du soir en la maison paternelle
rue hellerie et a ledit Henry Jourdan signé avec nous ledit Pierre leroy ayant
déclaré ne le savoir faire après qu'il leur a été fait lecture du présent acte.
Il est clair à la lecture de cet acte que Hyacinthe Ebroussard, le père de Marie Françoise est absent, même si ce n'est pas explicitement précisé comme cela l'avait été dans l'acte de naissance de l'enfant. Or c'est presque toujours le père qui vient déclarer le décès d'un enfant en bas âge. Dans le cas présent c'est Henry Jourdan , qui est vraisemblablement le frère de Louise Jacquine, la mère de l'enfant et donc oncle de la malheureuse Marie Françoise
Le sort s'acharne sur la malheureuse famille Ebroussard de Vitré. Trois semaine après la jeune Marie Françoise, c'est sa mère, Louise Jacquine Jourdan, qui décède.
L'an mil huit cent huit le treize juin à trois heures du soir par devant
nous mathurin René le Moygne de la Borderie maire et officier public de la
commune de Vitré canton du même nom département d'Ille et Vilaine sont
comparus Jean Tribordeau, sergent, âgé de quarante neuf ans et Renè
Marie Coiffé, tisserand, âgé de quarante cinq ans demeurants rue hellerie
de cette ville, voisins de la défunte ci-après nommée, nous ont
déclaré que Louise Jaquine Jourdan âgée de trente six ans native de Vitré
épouse de Hyacinthe Ebroussard cordonnier, fille de Henry Jourdan et
Jeanne Moran et décédée ce jour à six heures du matin dans sa maison
située ?? rue hellerie et a ledit Tribordeau signé avec nous le
présent acte ledit Coiffé ayant déclaré ne le savoir faire après qu'ils
leur a été fait lecture.
Une nouvelle fois, Hyacinthe Ebroussard est absent alors qu'on inhume son épouse.
Nous ne trouverons à Vitré pas la raison de l'absence de Hyacinthe Ebroussard près de sa famille lors de ces évènements pourtant importants. C'est dans sa région d'origine, le Val d'Oise, que se trouve l'explication, dans l'acte dressé à Saint Martin du Tertre, tout près de Maffliers où Hyacinthe est né et de Monsoult où se trouvait le dernier domicile dans la région que nous lui connaissons.
n°51 du deuxième jour du mois d'août de
l'année mil huit cent huit;
Acte de naissance de Marie Ismérie;
née le premier août à trois heures de l'après midi, fille
naturelle d'Hyacinthe Ebroussard profession de cordonnier demeurant
en cette commune se St Martin du Tertre veuf de Louis Jacquine Jourdan
décédée le treize du mois de juin dernier en la commune de
Vitré département d'Ille et Vilaine suivant la déclaration que nous à fait
ledit Hyacinthe Ebroussard lequel s'est engagé de nous justifier
de l'acte de décès de sa femme en bonne forme sous le plus bref
délai; et de Geneviève Elisabeth Rousselle demeurant en cette
commune de St Martin du Tertre veuve de Amant Gaillard son
époux décédé le onze Brumaire de l'an onze en cette commune
le sexe de l'enfant a été reconnu être féminin
Premier témoin Jean Baptiste Robert Prunier âgé de cinquante
neuf ans, instituteur domicilié en cette commune
Secod témoin Jean Baptsite Louis Ancelot âgé de
quarante un ans marchand épicier domicilié en cette commune
Sur la déclaration à nous faite par ledit Hyacinthe Ebroussard qui
nous a déclaré être le père dudit enfant et vu ladite déclaration nous
adjoint soussigné nous nous sommes transporté accompagnés des
témoins ci-dessus nommés décoré du costume voulu par la loi chez
ladite Geneviève Elisabeth Rousselle, mère de l'enfant à l'effet de
recevoir la déclaration, d'après lecture à elle faite du contenu
de l'acte ci-dessus, ladite Geneviève Elisabeth Rousselle à reconnu
être le contenu d'icelui sincère et véritable a déclaré ne savoir
signer de tout quoi nous lui donnons acte et nous nous sommes
retiré au lieu ordinaire de la mairie et d'après lecture
faite à nos dits témoins et au dit Ebroussard , ont signé à l'exception
dudit Hyacinthe Ebroussard qui a déclaré ne savoir ni pouvoir signer
Constaté suivant la loi par moi adjoint par délégation
spéciale du maire de la commune de St martin du Tertre faisant les fonctions
d'officier public de l'état civil.
Donc, pendant que son épouse et ses enfants soufrent en Bretagne, Hyacinthe Ebroussard, qui les a abandonnés, commence une nouvelle vie dans sa région natale.
On sent bien à la lecture de l'acte de naissance de Marie Ismérie, la fille qu'il a eu avec la veuve Lalay que l'officier public qui écoute les déclarations de Hyacinthe Ebroussard ne trouve pas ça très clair ni très moral. Et encore, sans doute que l'intéressé à passé sous silence l'existence de trois enfants en Bretagne qui avaient respectivement environ dix ans, deux ans et six mois lorsque la petite Marie Ismérie était conçue dans son "nouveau" foyer Val d'oisien. Un peu moins de deux mois après la naissance de Marie Ismérie, le mariage entre Hyacinthe Ebroussard et Geneviève Elisabeth Rousselle sera célébré à Saint Martin du Tertre.
Ce qu'on peut tirer des différents actes qui jalonnent ce drame laisse de nombreuses questions sans réponse. Que sont devenus les deux garçons nés du mariage breton de Hyacinthe Ebroussard ? Ont-ils rejoint leur père dans le Val d'Oise pour vivre avec le ou les enfants du couple formé par leur père avec sa nouvelle épouse ? Ont ils été pris en charge par la famille Jourdan ? Quelles raisons ont poussé Hyacinthe Ebroussard à fuir la Bretagne ou il semblait vouloir passer sa vie ? Qu'est ce qui à provoqué la mort de Louise Jacquine Jourdan ?
Sans répondre à cette dernière question, pour ne pas ajouter à la tristesse de cette histoire lamentable, j'espère tout de même que Louise Jacquine Jourdan n'a pas terminé sa vie comme l'héroïne de Puccini.
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Le premier billet consacré à cet épisode de la vie amoureuse des habitants du village de Viarmes à la fin du 18e siècle, pendant que la révolution bouleversait leur quotidien, voyait un époux quelque peu volage, Louis Auguste Langlois, chercher -et trouver- son bonheur en dehors de son foyer légitime.
Nous allons aujourd'hui nous intéresser à celle que Louis Auguste Langlois avait épousé en mil sept cent quatre vingt neuf, Catherine Honorine Breteville.
Vous vous souvenez sans doute que son divorce avec Louis Auguste Langlois avait été prononcé le trois janvier mil sept cent quatre vingt dix neuf. Au passage, je dois vous avouer que je n'ai trouvé aucune trace de ce divorce dans les registres de Viarmes où il est censé avoir été acté. L'information qui vient de l'acte de mariage de Louis Auguste Langlois avec Geneviève Elisabeth Beaucé, sa seconde épouse, est néanmoins parfaitement fiable. Pour être tout à fait complet, il faut aussi noter que ce second mariage a été fait à Luzarches alors que les deux futurs étaient originaires de Viarmes et y vivaient.
C'est à cause d'une loi votée en septembre mil sept cent quatre vingt dix huit et qui est restée en vigueur jusqu'en juillet mil huit cent, que l'administration républicaine a imposée la tenue des mariage au chef lieu de canton, Luzarches dans le cas présent, afin de lutter contre les faux mariages qui se sont pratiqués à cette époque pour permettre aux époux d'acquérir un statut de marié et d'échapper ainsi à la conscription et à l'implication fort risquée dans les guerres que la France républicaine menait contre les monarchies européennes.
Voici donc l'acte où il est question de Catherine Honorine Breteville l'épouse fraichement séparée de Louis Auguste Langlois:
Aujourd'hui le dix neuvième jour du mois de prairial an septième
de la République française une et indivisible par devant moi Jean
François Leclerc agent municipal de la commune de Viarmes
canton de Luzarches département de Seine et Oise élu pour rédiger
à constater les actes de naissance, mariage et décès des citoyens
suivant la loi du vingt septembre mil sept cent quatre vingt douze
est comparu au lieu de mon domicile la citoyenne Marie Anne
Drouard sage femme de cette commune m'a dit à moi agent municipal
que Marie Catherine Bretteville femme divorcée d'avec Louis Langlois
était accouché aujourd'hui à dix heures du matin à son domicile
rue aux fées et ladite Marie Anne Drouard lui ayant demandé
qui en était le père , elle lui a répondu que s'était Jean Baptiste
Beaucé et moi agent municipal ai fait venir par devant moi agent
ledit Beaucé , il m'a déclaré et dénié le fait
Et d'après cet examen fait c'est présenté devant moi avec l'enfant
pour témoin le citoyen Jean Félix Guibert âgé de sept ans fils
de Jean Guibert Journalier qui a déclarer ne savoir écrire ni signer
et Marie Louise scolastique Duru fille de Pierre Duru cultivateur
qui a signé avec moi agent et avons donné pour nom à l'enfant
Jean Louis Nicolas et d'après cette déclaration j'ai rédigé
ladite acte que j'ai signé avec le père de la marraine le jour
mois et an susdit suivant la loi
L'ex épouse de Louis Auguste Langlois met au monde, cinq mois après que son divorce ait été prononcé, un enfant. Comme Catherine Honorine Breteville n'est plus mariée elle doit répondre à la question de l'identité du père de son enfant.
Le nom qu'elle donne est celui de Jean Baptiste Beaucé qui n'est autre que le frère de la future nouvelle épouse de son ex époux. Comme ledit Jean Baptiste Beaucé est lui même marié à Marie Anne Patry il a le choix entre avouer avoir eu une relation extraconjugale ou nier.
C'est cette dernière solution qu'il choisi, soit parce qu'en toute bonne foi, il pense ne pas être le père de l'enfant soit parce qu'il veut éviter d'avoir des ennuis avec son épouse légitime. L'histoire ne dit pas si Marie Anne Patry a accepté les explications fournies par son époux mais on se doute bien que leur relation ne s'est pas vraiment améliorée. L'acte dressé par l'agent municipal ne dit pas non plus quel nom de famille portera le nouveau né.
Pour ce qui concerne l'arbre familial, j'ai décidé d'utiliser le nom de Beaucé, quitte à en changer si l'enfant est reconnu par un futur beau père. Sauf circonstance extraordinaire, il ne portera de toute façon pas le même nom de famille que ses demi frères et sœurs.
Le jeune Jean louis Nicolas devra attendre plus de quatorze ans avant de connaître le nom qu'il portera pour le reste de sa vie.
Voici l'acte qui va décider de ce nom :
Aujourd'hui mardi dixième jour du mois du mois
d'août de l'année mil huit cent treize
étant à la municipalité de la commune de
Viarmes département de Seine et Oise, 2e
arrondissement de Pontoise canton de Luzarches
et ce en conformité aux dispositions du
code civil de sa majesté Napoléon empereur
et roi des français d'après les publications
de mariage faites en cette commune de Viarmes
et affichées les jours de dimanche vingt cinq
juillet et le premier jour du mois d'août de
l'année mil huit cent treize et qu'a ma connaissance
il n'y a eu aucune opposition au mariage de
part ni d'autres du mariage fait entre Jean
Baptiste Beaucé cultivateur veuf en première
de feu Marie Anne Patry sa première
femme et de Marie Catherine Breteville elle
divorcée d'avec Louis Langlois jardinier en l'année
1799 et que de ce mariage il résulte que le nommé Jean
Louis Beaucé âgé de quatorze ans est leur
propre enfant et qu'il aura le droit d'être
un de nos héritiers après notre décès suivant
nos volontés et nos désirs nous avons pour nos
témoins présenté les personnes de Louis
Beaucé cultivateur en cette commune frère du
futur et la personne de Axel Pelletier
carrier en grès son ami
et de la part de la future elle nous a
présenté pour ses témoins les personnes de
Philippe Voisin marchand fruitier son beau frère
et Jean Guibert aussi marchand fruitier aussi son
beau frère qui ont déclaré tous deux ne savoir
écrire ni signer
Cet acte nous apprend que Catherine Honorine Breteville, souvent nommée Marie Catherine dans les actes qui la concerne dans la tradition bien établie des variations de prénoms, divorcée depuis quatorze ans de Louis Auguste Langlois épouse Jean Baptiste Beaucé . Vous vous souvenez, c'est le frère de la seconde épouse de son ex époux, le gaillard qui avait nié être le père de Jean Louis Nicolas lorsque celle qui est dorénavant son épouse l'avait nommé comme père devant l'officier de l'état civil.
La nouvelle épouse n'est donc guère rancunière et a patiemment attendu le décès de Marie Anne Patry, l'épouse légitime de Jean Baptiste Beaucé qui est disparue le vingt six juin mil huit cent treize, six semaine avant le remariage de Jean Baptiste Beaucé.
L'inconstance en amour est donc bien double dans cette histoire puisque chacun des deux époux du couple Louis auguste Langlois/Catherine Honorine Breteville est allé chercher sa bonne fortune hors du foyer familial. J'aurais même sans doute pu écrire triple puisque la fidélité de Jean Baptiste Beaucé à sa première épouse est tout sauf certaine.
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