• Avant même que l'administration, après la révolution, formalise la rédaction des actes de l'état civil, la profession des personnes citées était assez souvent notée par les curés en charge de leur rédaction. Cette information nous en dit beaucoup sur le monde dans lequel vivaient nos aïeux.

    A ce jour, notre généalogie familiale comporte 22686 personnes, plus de 27000 actes ont été dépouillés. On trouve dans ces actes 4978 mentions d'une profession. 

    La plus répandue est celle de vigneron, qui apparaît 576 fois, devant les laboureurs et les manouvriers. C'est dire si la vigne et le vin ont occupé une place importante dans le quotidien de nos ancêtres.

    Une grande partie de ces vignerons a vécu sur la rive droite du Rhône sur les lieux mêmes où sont cultivés aujourd'hui les Saint Joseph et autres Condrieu. Plus étonnant, les vignerons qui peuplent notre généalogie sont nombreux aussi dans l'actuel Val d'Oise.

    Jean Pierre Beaucé, qui vécut à Asnières sur Oise entre 1739 et 1813, notre Sosa 170 était vigneron, tout comme son père Jean Beaucé entre 1707 et 1776 à Viarmes. Ou encore Noel François, notre Sosa 678, entre 1660 et 1735, à Viarmes.

    La seule région dont sont originaires nos ancêtres où je n'ai trouvé aucun vigneron est la Bretagne.

    Mais c'est bien au bord du Rhône, à Saint Pierre de Bœuf, que vivait Jean Germat dont il va être question aujourd'hui et dont je vous propose de lire l'acte de décès :

    Le vin, cet ami dangereux

     Ce aujourd'hui douzième mars mil sept cent quatre-vingt-treize

    l'an second de la république française à l'heure de dix avant

    midi par devant moi Théofrede journel Curé officier public élu le

    treize décembre mil sept cent quatre-vingt-douze pour constater les

    mariages, naissance et décès de la commune de St pierre de Bœuf chef lieu

    de canton sont comparus marie vincent âgée de quarante-cinq

    vigneronne et domiciliée dudit lieu  et autre marie vincent sa sœur

    aubergiste âgée de cinquante-cinq, assistée de d'antoine manilier dudit

    lieu âgée de trente-six lesquels m'ont déclaré que jean germat

    vigneron âgé de trente-six ans époux en légitime mariage de la dite marie

    vincent était arrivé hier onzième jour dudit mois de mars

    à neuf heures du soir pris de vin dans sa maison

    se laissa tomber se prit à vomir et lui survint un hoquet qui le

    fit périr subitement, d'après les dites déclarations et après nous être transportés

    à la maison dudit décédé j'ai dressé le présent acte en maison commune 

    et l'ai signé non les dites marie et marie vincent et bonnardel pour

    ne le savoir de ce requis et interpellés.

     

    Les faits relatés par Théofrède Journel semblent clairs et ne souffrent guère d’interprétation. Jean Germat est rentré chez lui ivre, tellement ivre que son organisme n'a pas supporté l'agression. Alors coma éthylique suivi du décès ?

    Pourtant, le profil du malheureux Jean Germat ne correspond pas vraiment à la situation.  Il est né en 1752, il a donc 40 ans et non 36 comme mentionné dans l'acte, lors de son décès en ce mois de mars 1793. Ce n'est donc pas un jeune homme qui découvre la vie et se livre à des expériences un peu risquées. Son métier de vigneron lui a par ailleurs sans doute appris que l'abus d'alcool n'est pas sans danger. Peut-être faut-il plutôt chercher une explication dans le contexte familial 

    Il a eu avec son épouse, Marie Vincent, trois filles. le couple s'est marié en 1778, un an plus tard, naissent des jumelles. La deuxième née, Marie Catherine, ne vivra que six mois. En 1783, naît Catherine qui ne vivra que deux mois. 

    Seule est donc vivante en 1793 l’aînée des jumelles, Marie Marguerite, elle a douze ans.

    Voici l'arbre généalogique descendant de Jean Germat. On voit qu'il a deux frères, Guillaume, aussi vigneron, et Blaise. Il est l'aîné des garçons. Ils vivent tous à Saint Pierre de Bœuf, tout comme leur parents Etienne Germat et Catherine Flacher.

    Le vin, cet ami dangereux

      

    Cela fait maintenant presque dix ans que le couple a eu son dernier enfant, ce qui n'est guère dans les habitudes de l'époque. Peut-être y a t-il une raison médicale à moins que le couple ai décidé de rester sans descendance masculine, ce qui n'est pas vraiment courant non plus à cette époque.

    L'ambiance dans le couple et le foyer n'est pas bonne, Jean se réfugie dans l'alcool qui lui apporte une consolation venimeuse. Cette fuite n'arrange évidemment pas la situation et conduit au dénouement fatal.

    Bien sûr, cette hypothèse ne sera vraisemblablement jamais vérifiée.

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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  • Le Rhône, fleuve le plus impétueux du pays, occupe une place particulière dans l'histoire des villages qui le bordent, tel que Saint Pierre de Bœuf dont il a été souvent question sur ce blog puisque c'est là que se sont écoulées les premières années de ma vie avec mes parents, mes frère et sœur, cousins et autres proches.

    Le fleuve est porteur de vie puisqu'il procure du travail au pêcheurs et aux mariniers. Mais son flot peut aussi être cruel. La plupart de ceux qui le côtoient ne savent pas nager. Tel était sans doute le cas de Marie Rose Pessonneaux. Marie Rose est la petite fille de Jean et Benoite Crotte nos sosa 220 et 221.

    Elle est née le 15 août 1769 et a donc un peu plus de vingt ans en ce triste jour du 2 octobre 1789. Elle a épousé Jean Antoine Robert le 10 février de cette même année 1789.

    Lisons l'acte couché sur le registre de la commune par le vicaire Lardiere.

    Drame sur le Rhône

     

    le troisième octobre mil sept cent quatre vingt

    neuf à été inhumée dans le cimetière de St pierre

    le cadavre de marie rose pessoneau épouse de jean

    robert défuntée hier en lavant quelques

    linges dans un bateau se laissa glisser dans le fleuve

    du Rhône pour se lancer sur un bas qui lui avait

    échappé où elle a demeuré là près de trois quart d'heure

    sans qu'on l'ai aperçue d'où son beau frère

    Baudran l'a tirée morte et à qui a fait l'opération

    césarienne, le sieur Colongeon chirurgien à Boeuf a

    extrait de son sein un enfant femelle qui pouvait

    être de sept à huit mois, sans aucune marque de vie

    et ce en présence de françois Baudrant son beau frère

    de jean robert son oncle de pierre boucher son beau frère

    illettrés enquis de mathieu grenier témoin lettré et tous

    témoins de ? avec nous soussignés et de l'avis

    des messieurs de la justice de chavanay sous les yeux

    du pouvoir fiscal

    Ce texte nous apprend que Marie Rose était enceinte, que son futur enfant allait bientôt naître et que, malgré cela, elle exécutait les pénibles tâches de son ménage. Et la lessive au temps où se passent ces événements ne ressemblait pas à ce qu'on connait aujourd'hui. Pas de machine, une planche, un battoir et du savon et de l'huile de coude, en quantité.

    Voila toute la triste histoire de Marie Rose Pessonneaux et de son malheureux bébé.


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  • Il est temps d'en finir avec cette histoire contemporaine des premières années qui ont suivies la fin du régime monarchique en France.

    Tout en notant les efforts louables de deux des lectrices les plus fidèles de ces billets, on est obligé de constater que personne n'a trouvé la réponse à la question posée dans le premier billet. C'est donc la mort dans l'âme que je vais devoir ranger la magnifique médaille promise.

    Il était inutile de rechercher la réponse parmi les protagonistes cités dans ce billet. Même s'ils ont participé, à leur manière, aux grands chambardements de la révolution, soit en en participant à la mise en œuvre de progrès techniques, soit en profitant de libertés nouvelles, l'histoire n'a retenu le nom d'aucun d'entre eux. Car la généalogie, en particulier lorsqu'elle va un peu au-delà du simple relevé des dates et noms, c'est un peu l'histoire des humbles.

    Mais il arrive aussi qu'au détour d'un acte on rencontre un personnage appartenant à l'Histoire, celle qui est racontée dans les livres.

    C'est le nom du rédacteur de l'acte qui devait attirer votre attention. Benjamin Constant n'est pas un homonyme, il s'agit bien du philosophe et écrivain qui a joué un rôle important sous la révolution française.

    Issu d'une famille de huguenots qui a fui la France lors de la révocation de l'édit de Nantes, en 1685, pour se réfugier en Suisse. Né en octobre 1767, il a donc presque trente-deux ans lorsqu'il rédige l'acte de mariage entre Jean Nicolas Labouche et Véronique Antoinette Lecoeur.

    Nous ne nous attarderons pas sur l'ensemble de la vie de Benjamin Constant, de nombreux ouvrages lui sont consacrés. Seul son séjour à Luzarches nous intéresse d'ailleurs ici.

    C'est en 1794 que Benjamin Constant quitte son exil suisse pour venir en France, en compagnie de Germaine de Staël. Il se sont rencontrés au château de Coppet, propriété de Germaine au bord du lac Léman. Ils partagent les idées progressistes de la révolution. Benjamin achète l'abbaye d'Hérivaux qu'il fait démolir en grande partie pour ériger l'actuel château.

    On peut voir sur la carte Cassini, sur la droite de la vue, ce qui est sans doute l'abbaye d'Hérivaux. Cette carte date du milieu de XVIIIeme siècle.

    Divorce et télégraphe (2)

     

     Sur la carte d'état-major, qui date des années 1820, le château d'Hérivaux a pris la place de l'abbaye.

    Divorce et télégraphe (2)

     

    Voici une photo de l'actuel château, avec ce qui reste de l'abbaye.

    Divorce et télégraphe (2)

    C'est là que Germaine de Staël sera hébergée. Leur relation sera tumultueuse et essentiellement intellectuelle mais pas totalement platonique puisque les historiens attribuent la paternité d'Albertine, la fille de Germaine, à Benjamin.

    Pendant son séjour en Seine et Oise, Benjamin participe à la vie locale. Brillant orateur, il est élu "président de l'administration municipale du canton de Luzarches", comme le mentionnent les quelques actes qu'il rédige et signe lors des mariages qu'il célèbre.

    Nous terminerons ce billet avec deux reproductions de tableaux. Le premier représente Benjamin Constant et le second Germaine de Staël en compagnie de sa fille Albertine.

    Divorce et télégraphe (2)Divorce et télégraphe (2)
     

     

     


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  • Ce billet va nous remmener dans le Val d’Oise, mais à Luzarches et non à Viarmes. Je n’ai pourtant pas abandonné le décryptage systématique des registres de cette commune. Mais selon une loi votée sous le directoire, le 13 fructidor de l’an VI (30 août 1798), les mariages de chaque canton de la république doivent dorénavant être célébré au chef-lieu de canton, chaque décadi.

    Le décadi est le dixième jour de chaque mois du calendrier républicain. Les mois comptant trente jours, il y a trois décadis par mois. Viarmes appartient au canton de Luzarches. Nous retrouvons aussi dans ce canton, depuis 1790, les communes suivantes : Asnières sur Oise, Bellefontaine, Belloy en France, Chaumontel, Epinay Champlatreux, Jagny sous-bois, Lassy, Le Plessis Luzarches, Noisy sur Oise, Seugy, et Saint Martin du Tertre.

    Ce qui fait treize communes en tout. Le nombre de mariage qu’on trouve dans ce registre est donc bien plus important que celui de la seule commune de Viarmes. De plus la lecture des actes de ces communes, toutes bien sûr voisines de Viarmes, favorise ce que j’appelle le vagabondage généalogique.

    Lorsqu’on lit un acte de mariage, trois cas peuvent se présenter. Si les deux futurs époux sont déjà connus et présent dans l’arbre généalogique sur lequel on travaille, il suffit d’ajouter l’union. Si aucun des deux futurs époux n’est connus, c’est encore plus simple, on passe à l’acte suivant. Mais rien ne prouve qu’il ne faudra pas revenir un jour sur ce mariage, si pour une raison quelconque un des deux futurs époux revient dans le paysage.

    Un simple exemple : un des enfants issus de ce mariage épouse une personne que nous connaissons déjà. Venons en au dernier cas, un seul des deux futurs époux est connu. On peut bien sûr se contenter d’ajouter le nouveau venu dans l’arbre, mais mon choix personnel est de rechercher son acte de naissance et l’acte de mariage de ses parents.

    Ceci est particulièrement important lorsque la personne en question est originaire d’un lieu éloigné car il y a de bonne chance que cet acte, posté sur les sites de partage tel que geneanet, apporte la solution d’une énigme qui gâche le sommeil d’un autre généalogiste.

    Ce long préambule étant évacué, il est temps de passer à la lecture de l’acte de mariage de Jean Nicolas Labouche et Véronique Antoinette Lecœur, dressé à Luzarches le dix thermidor de l’an VII (vingt-huit juillet 1799).

     

    Divorce et télégraphe

     

     Divorce et télégraphe

     

     Divorce et télégraphe

     

     

    Aujourd’hui 10 thermidor l’an sept de la

    République une et indivisible par devant

    moi Benjamin Constant, président de l’administration

    municipale du canton de Luzarches département de Seine et Oise

     

    autorisé par la loi à remplir les fonctions d’officier de

    l’état civil quant à la célébration des mariages accompa-

    gné du secrétaire de ladite administration sont comparus

    au lieu de la réunion décadaire pour contrat et

    mariage d’une part Jean Nicolas Labouche

    agent télégraphique au poste de Martin du Tertre

    y demeurant âgé de trente neuf ans fils de

    Jean Labouche et de Marguerite Maréchal tous deux

    décédés et d’autre part Véronique Antoinette

    Lecœur fille d’Antoine Lecœur et de Marie

    Honorine Dorléans âgée de vingt sept divorcée

    d‘avec Pierre Levesque lesquels futurs conjoints

    étaient accompagnés de Jean Baptiste Breton

    manouvrier âgé de quarante ans beau-frère de la

    future et Jacques Alexis Meunier cultivateur âgé

    de trente cinq ans ami des futurs le premier

    demeurant à Martin du tertre et le second à

    Viarmes Pierre Alexis Lahoche employé à

    L’administration municipale du canton de

    Luzarches âgé de trente trois ans demeurant au

    Plessis les vallées ami des futurs et Michel

    Jumel agent municipal de Champlatreux

    Y demeurant ami des futurs âgé de cinquante-

    trois ans

    Moi Benjamin Constant après

    avoir fait lecture en présence des parties et des

    témoins 1er de l’acte de naissance de Jean

    Nicolas Labouche en date du cinq mai mil

    sept cent soixante qui constate qu’il est né

    en la commune de Longuyon département de

     

    la Mozelle du mariage légitime de

    Jean Labouche et de Marguerite

    Maréchal 2em de l’acte de naissance de Véronique

    Antoinette Lecœur en date du vingt octobre mil sept

    cent soixante-douze portant qu’elle est née en la commune

    de Martin du tertre du mariage légitime d’Antoine

    Lecœur et de Marie Honorine Dorléans 3em de

    l’acte de divorce de laditte Véronique Antoinette Lecœur

    en date du vingt trois floréal dressé par l’agent municipal

    de Martin du tertre 4em de l’acte reçu par le citoyen

    Boucher notaire public à la résidence de Luzarches

    Le huit thermidor présent mois portant que Jacques Alexis

    Meunier cultivateur demeurant à Viarmes et Jean Baptiste

    Breton demeurant à Martin du Tertre ont attesté qu’ils

    connaissaient parfaitement le citoyen Jean Nicolas Labouche

    et qu’ils savent qu’il n’a contracté aucun mariage tous les dits

    actes en bonne et forme. 5em de l’acte de publication de

    mariage entre les futurs conjoints dressé par l’agent

    municipal dudit Martin du Tertre le sept thermidor

    présent mois et affiché, après aussi que Jean Nicolas

    Labouche et Véronique Antoinette Lecœur ont déclaré à

    haute voix se prendre mutuellement pour époux

    j’ai prononcé au nom de la loi que Jean Nicolas Labouche et

    Véronique Antoinette Lecœur sont unis en mariage et j’ai

    rédigé le présent acte que les parties et les témoins

    ainsi que le secrétaire de ladite administration ont

    signé avec moi à l’exception desdits Meunier et Breton

    qui ont déclaré ne le savoir. Lesdits jours mois et

    an que dessus heure de midi.

     

    Cet acte contient de nombreuses informations très intéressantes. Commençons par le futur marié. Jean Nicolas Labouche est natif de Longuyon, ville située en Meurthe et Moselle, près de la frontière belge. Voici un parfait exemple de ce que je mentionne dans le préambule de ce billet. Si un jour un généalogiste s’intéresse à Jean Nicolas Labouche dans le cadre de recherches dans sa ville natale, il saura le plus facilement du monde, grâce à internet et aux sites de partage, que celui-ci s’est marié dans la Val d’Oise, à plus de trois-cent kilomètres de son lieu de naissance. 

    Son épouse, Véronique Antoinette Lecœur, est divorcée de Pierre Levesque. Le divorce était prohibé sous l’ancien régime et c’est une loi votée en 1792 qui le rend de nouveau possible. (il était possible de divorcer dans le droit romain mais la religion, comme toujours bien en phase avec son temps, avait réussi à rendre le mariage indissoluble au moyen âge). Le divorce entre Véronique Antoinette Lecoeur et Pierre Levesque a été prononcé le vingt-trois floréal de l’an VI (12 mai 1798) à la maison commune de Saint Martin du Tertre. Je vous épargne la lecture de cet acte. Il suffit de savoir que le divorce est prononcé par consentement mutuel et que le couple n’a pas eu d’enfant.

    Il est certain que le couple est séparé depuis bien plus longtemps. En effet, grâce aux travaux de Monique Drouhin, qui a indexé et mis en ligne sur geneanet certains registres sauvés de l’incendie de l’hôtel de ville en 1871, nous savons qu’un enfant est né, le trois août 1797, du couple formé par Jean Nicolas Labouche et Véronique Antoinette Lecœur.

     Divorce et télégraphe

    Le trois août 1797, a tété baptisée par M ?? Adélaïde née de ce

    jour, fille de Jean Nicolas Labouche, agent du télégraphe, et d’antoi-

    nette Véronique Lecœur demt rue des ?? Le parrain Jean

    Baptiste Labouche la marraine Margueritte ??

     

    L’acte de baptême ne précise pas que la maman de la petite Adélaïde est, au moment de la naissance de sa fille mariée à Pierre Levesque. Il n’est pas non plus question de cet enfant dans l’acte de mariage entre Jean Nicolas et Véronique Antoinette. Peut-être existe-t ’il quelque part un acte de reconnaissance de cet enfant. Si notre chemin nous fait croiser plus tard Adélaïde Labouche, il sera intéressant de savoir si elle a eu besoin de démontrer sa filiation et comment elle y est parvenue. 

    Il faut aussi s’attarder sur la profession déclarée par Jean Nicolas Labouche dans son acte de mariage : « agent télégraphique ». A la naissance de son enfant, à Paris deux ans auparavant, il était agent du télégraphe. C’est l’occasion de revenir sur l’invention de Claude Chappe, le télégraphe optique, destinée à communiquer à distance de façon rapide, ou tout du moins plus rapide qu’un messager portant une dépêche à cheval.

    Nous n’entrerons pas dans le détail des aspects techniques de cette invention, on trouve une importante littérature sur la question pour ceux qui seraient intéressés. En quelques mot le télégraphe est constitué d’un mat sur lequel est fixé un bras principal articulé et, à chaque extrémité du bras principal, une aile articulée sur ce bras. Chacun de ces éléments mobiles peut prendre différentes positions. A chacune de ces positions correspond un code.

    Les postes télégraphiques sont situés sur des point hauts de la topologie. Il y a dans chaque poste deux lunettes optiques braquées l’une sur le poste situé en amont dans la chaine de transmission, l’autre sur le poste situé en aval. Un opérateur observe le télégraphe distant dans la lunette. Lorsqu’une communication est établie, il recopie sur son propre télégraphe la position des élément mobiles qu’il a relevé sur le poste distant. Ainsi, l’informations est propagée jusqu’à son destinataire. L’information apparaît sous la forme d’une série de codes et seul le destinataire possède la clef permettant de transcrire en clair le message. Les postes sont distants de quelques dizaines de kilomètres.

    Ce système a été utilisé en France entre 1794 et 1845, lorsqu’est apparu le télégraphe électrique. La principale trace qu’on peut trouver du télégraphe de nos jours, à part quelques appareils conservés et restaurés, est la présence sur les cartes de lieux dits nommés « télégraphe ». En 1844, Il y avait en 534 tours de télégraphes sur le territoire français. Cherchez autour de vous, vous trouverez certainement l’endroit où se trouvait un télégraphe. 

    Saint Martin du Tertre est un lieu important dans l’histoire du télégraphe. C’est en effet entre le point haut de ce village (appelé aujourd’hui bois du télégraphe) et la butte de Ménilmontant à Paris (rue du télégraphe aujourd’hui) qu’ont été réalisés, le douze juillet 1793 les premiers essais du télégraphe. Ménilmontant est, à égalité avec la butte Montmartre, le point le plus élevé de Paris à 128 mètres. A Saint Martin du Tertre, qui porte bien son nom, le bois du télégraphe culmine à 181 mètres. La communication passait par le télégraphe d’Ecouen situé à une altitude de 154 mètres.

    Voici, extraits d’anciennes cartes d’état-major, les trois sites impliqués.

    A Paris :

     Divorce et télégraphe

    Le nom « télégraphe de St Fargeau » vient du parc de l‘ancien château des Lepeletier de St Fargeau, comté de l’Yonne. Une station de métro de la ligne 11 se nomme télégraphe en hommage à l’invention. 

    A Ecouen :

     Divorce et télégraphe

    A Saint Martin du tertre

     Divorce et télégraphe

    Voici, toujours sur une carte d’époque le tracé de la ligne télégraphique utilisée lors de cet essai. L'outil de mesure de distance de Geoportail, le site de l'IGN sur lequel j'ai récupéré ces cartes, nous indique que la distance totale entre Menilmontant et Saint Martin du Tertre est de près de 26km.

     Divorce et télégraphe

     

    Enfin, voici le profil altimétrique de cette ligne. On voit que les stations de télégraphe étaient situées en des points choisis avec soin, pour garantir la meilleure vue possible sur les stations avec lesquelles elles communiquaient.

     Divorce et télégraphe

      

    Suite au succès de l'essai du 13 juillet 1793, la décision de construire la première ligne télégraphique fut prise. Elle reliait Paris à Lille. Et Jean Nicolas Labouche travaillait à la station de Saint Martin du Tertre au moment de son mariage avec Véronique Antoinette Lecœur.

    La principale utilisation du télégraphe, sinon la seule, fut militaire. Pendant la révolution, la France était menacée sur beaucoup de ses frontières et la rapidité des échanges entre les points les plus éloignés du territoire et le pouvoir central, à Paris, était de la plus haute importance.

    Nous voici arrivé à la fin de ce billet, pourtant il reste dans l’acte de mariage de Jean Nicolas Labouche et Véronique Antoinette Lecœur une information sur laquelle il serait mérité qu’on s’attarde.

    Amis lecteurs, saurez vous trouver quel sera le sujet du prochain billet grâce à l’indice caché -mal- dans cet acte ? 

    Une médaille sera décernée à l’auteur de la première bonne réponse.

     


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  • Ce billet nous emmène dans le département des Ardennes, dans le village de Buzancy, pas très loin de la frontière belge. C'est là qu'est né Henry Germain Fouquet qui a épousé à Viarmes Marie Geneviève Leclerc le 29 de Pluviose de l'an II de la république française.

    Marie Leclerc et l'auteur de ces lignes ont des ancêtres communs. Nous descendons de deux sœurs, Marie et Françoise Bimont, nées vers 1640. Françoise Bimont est la quadri-aïeule de Marie Leclerc et Marie est mon Sosa 1351, elle donc mon aïeule de la onzième génération.

    C'est donc grâce à Marie Leclerc ou plutôt grâce à son époux, Henry Germain Fouquet, que nous faisons la connaissance de Jean Baptiste Ponsin, curé de Buzancy en 1771. Il est le successeur du curé Simon qui a baptisé Henry Germain Fouquet le 29 juillet 1764. Jean Baptiste Ponsin, comme certains, trop peu nombreux, de ses congénères, utilise le registre paroissial pour inclure des textes d’intérêt général autres que les actes BMS.

    C'est un de ces textes que je vous propose de lire. Il est assez long (quatre pages) Il me semble que l'écriture de Jean Baptiste Ponsin est suffisamment lisible pour que je m'épargne la peine de le transcrire intégralement.

    Du bon usage de la fiente de poule

     Du bon usage de la fiente de poule

    Vous le savez maintenant, le texte que Jean Baptiste Ponsin a consigné dans son registre afin, selon ses propres mots, d'éviter qu'ils soient perdus, décrit des remèdes contre la rage.

    Avant d'examiner la préparation de ces remèdes, il n'est sans doute pas inutile de situer le contexte historique de cette maladie. Wikipedia nous apprend que la rage est connue depuis l'antiquité. Au XVIème siècle, sans doute parce que la croissance démographique a perturbé le monde animal sauvage et multiplié les contacts entre les animaux domestiques et les animaux sauvages infectés, la maladie a connu une recrudescence.

    La rage n'a pas tué énormément de monde en occident, les épidémies infectieuses telles que la peste, le typhus ou le choléra étaient bien plus meurtrières. Les famines aussi ont fait des ravages sans commune mesure. Pourtant la rage occupe une place particulière dans la mémoire collective, sans doute à cause de son mode de transmission par morsure et surtout à cause du caractère effrayant de son développement. Le terme enragé qu'on utilise encore est là pour en témoigner.

    La rage tue donc peu mais de façon atroce et elle tue aussi surtout des enfants. Nous sommes en 1771 et il faudra attendre encore plus d'un siècle pour qu'un vaccin efficace soit mis au point par Emile Roux et Louis Pasteur. La rage est donc un fait social majeur dans le monde rural, surtout à l'Est de la France puisque les animaux malades viennent d'Europe centrale.

    Un mot sur la source du texte. Jean Baptiste Ponsin, le curé de Buzancy écrit l'avoir reçu de l'intendant de Chalons. En 1771, il pourrait s'agir de Gaspard-Louis Rouillé d'Orfeuil. Selon les historiens il gère son territoire de façon plutôt avisée. Il n'est pas étonnant qu'il se soit préoccupé de l'état sanitaire de la généralité de Chalons en Champagne.

    Voici la liste des ingrédients nécessaires à la préparation du premier remède, qu'on trouve sur la première page :

    • une poignée de rhue. Selon le dictionnaire des jardiniers de Philip Miller de 1785, il s'agit de Rhue des près ou Thalictrum dont le nom vulgaire est aujourd'hui pigamon.
    • une poignée de la première peau d'arglantière. Je n'ai trouvé aucune trace dans la littérature d'un végétal nommé arglantière. Peut être s'agit-il du fruit de l’églantier ou gratte-cul qui, selon les botanistes de l'époque a pour vertu de "rafraîchir et nettoyer les reins"
    • une poigne de pâquerettes ou marguerites sauvages. 
    • le blanc d'un gros poireau ou deux petits, les plus vieux sont les meilleurs
    • six gousses d'ail
    • six morceaux de la fiente de poule, de la plus blanche
    • une poignée de sel

    Le tout doit être bien pilé , complété avec 18 cuillerées à bouche d'un bon vinaigre de vin rouge. Puis infusé une nuit dans un verre de terre neuf vernissé. Ensuite on passe le tout dans un linge fort et propre pour récupérer le jus. 

    La potion doit être administrée en quantité fonction de la force du tempérament suivant les âges :

    cinq cuillerées à bouche pour un homme fort et vigoureux

    quatre cuillerées pour un moins fort ou une femme

    trois cuillerées pour un jeune homme de 12 à 15 ans

    deux cuillerées pour les enfants de 3 à 4 ans

    le remède doit être pris à jeun et il faut s'abstenir de manger dans les quatre heures qui suivent la prise. Le jour de la prise du médicament on doit s'abstenir de manger fruits, salade et autres crudités. Pour que remède opère il faut courir mille pas après l'avoir pris.

    les plaies et morsures doivent être mise à vif, pour les faire saigner un peu puis les frotter avec le marc de l'infusion. Ce marc doit être laissé sur les plaies jusqu'à guérison.

    l'auteur précise ensuite que les morsures le plus graves sont celles infligées au visage et aux mains et qu'il faut dans ce cas augmenter les doses, jusqu'à cinq cuillerées et demi.

    Ce remède guérit aussi les chiens, chevaux, bœufs, vaches et autres animaux domestiques. Les quantités doivent être adaptées à la grosseur de l'animal.

    La description du remède précise en conclusion que les doses doivent être augmentées d'un tiers au premier accès puis en proportion jusqu'au septième accès. Enfin l'auteur insiste sur la nécessité d'utiliser du vinaigre de vin rouge et seulement cela car les conséquences du non respect de cette consigne seraient trop grandes.

    Du bon usage de la fiente de poule

     Du bon usage de la fiente de poule

     

    On retrouve dans le second remède une partie des ingrédients du premier, rhues, pâquerettes, ail et sel. La fiente de poule, le poireau la peau de baies d'églantier sont omis. Le tout doit aussi être broyé dans un mortier et un bon verre de vin blanc est ajouté. Le jus extrait de cette préparation au travers un linge fort doit être conservé dans une bouteille bien bouchée.

    L'usage du remède est décrit très précisément. La décoction doit être préparée chaque jour un moment avant de l'avaler. Il faut en refaire autant que de besoin. L'auteur recommande de se laver la bouche avec du vin et de l'eau pour ôter le mauvais goût. C'est sans doute l'absence de fiente de poule qui rend ce remède plus difficile à consommer que le premier. Un verre de remède doit être pris à jeun et on doit s'abstenir de manger dans les quatre heures qui suivent. Il n'est pas nécessaire de courir mille pas mais il est bon, si possible, de se promener dans la chambre, l'agitation étant bonne pour l'opération de ce remède.

    Il faut, comme pour le premier remède traiter la plaie avec le marc de la préparation.

    L'auteur décrit ensuite les symptômes et le déroulement de la maladie :

    la rage se manifeste ordinairement par de fortes insomnies et par des inquiétudes

    dans tout le corps, la vue du patient est égarée, farouche, il frissonne et a horreur

    en voyant un ver(re) d'eau qu'on lui présente. La langue s'épaissit les lèvres sont

    noirâtres et il y a au coté de la bouche une forte écume gluante, ce sont là les

    vrais symptômes de la rage.

    Aussitôt qu'on a reconnu quelques uns de ces effets et qu'on est certain que la

    plaie provient de quelque animal enragé il faut lui préparer la potion, lui faire avaler

    et penser la plaie ainsi qu'il est dit ci-dessus

    La rage tue en neuf accès qui augmentent de violence successivement. Ces neuf 

    accès se suivent quelque fois ou bien reviennent toutes les lunes jusqu'au neuvième

    accès.

    Il ne faut pas s'effrayer des premier accès de rage, le patient guérira radicalement si,

    après le 4e, 5e et 6e accès on peut lui faire prendre la potion ci-dessus, le remède

    est souverain contre la rage, mais il est toujours plus avantageux de faire ce remède dès

    le commencement, même dans le soupçon que l'animal qui a mordu était enragé. Ce remède ne

    causera aucun mauvais effet à celui qui le boira, mais lui donnera un très grand appétit.

    Si la morsure provenait réellement d'un animal enragé, deux ou trois potions prise dès

    le commencement, une chaque matin, suffisent pour chasser et détruire le venin; mais si

    la personne avait déjà eu plusieurs accès, il faut lui faire prendre de gré ou de force

    neuf potions en neuf jours de suite et sans interruption.

    Le second remède permet aussi de guérir les animaux, à peu près comme le premier. L'auteur recommande d'utiliser une corne pour faire boire la potion et de remplacer le vin blanc par du lait pour qu'ils n'ait point de répugnance à le boire.

    Du bon usage de la fiente de poule

     


    Le troisième remède consiste à calciner une coquille d’huître, à la réduire en poudre afin de la faire prendre au malade. L'huître doit être à écaille noire.

    L'auteur propose trois façons différentes pour faire prendre le médicament :

    la première et plus prompte à agir  est de mettre la poudre dans du pain et de le mettre à chante mouillé dans un bol comme on le ferait pour du quinquina. Le quinquina, écorce venue d’Amérique du sud, est connu depuis le XVIIeme siècle et on lui donne beaucoup de bienfaits médicinaux. Je n'ai trouvé nulle part de description son utilisation en association avec du pain mouillé. Nous ne savons donc pas quel liquide doit être utiliser pour mouiller le pain. 

    la seconde façon est de le donner avec du vin blanc

    la troisième, enfin, est de préparer une omelette en incluant la poudre. L'omelette sera cuite à l'huile et non au beurre qui empêcherait absolument l'effet. L'omelette doit être mangée sans boire et il ne faut pas non plus manger de pain.

    les doses varient en fonction de la grosseur du malade et de la façon dont il a été mordu au sang ou non ou seulement pincé.

    En publiant sur Internet les "recettes" du curé Jean Baptiste Ponsin je m’efforce, comme lui d'éviter qu'elles tombent dans l'oubli. Nos préoccupations ne sont toutefois pas du tout les mêmes. Le curé de Buzancy essayait, en toute bonne foi, d'aider ses ouailles à lutter contre une terrible maladie. Je me contente, pour ma part, de relater les pratiques d'un autre temps. Si, parmi les lecteurs de ma prose, se trouvent des adeptes du rejet de la vaccination, qu'ils sachent que toute expérimentation sur la base de ces écrits se ferait sous leur seule responsabilité, quelque soit le remède choisi, avec ou sans fiente de poule.

     

     

     

     

     

     


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