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Un implexe Val d'Oisien et quelques trompettistes (I)
Il y a bien longtemps que je n’ai pas sollicité dans ce blog vos méninges sur un de ces cas dont raffolent les généalogistes. Même si vous n’avez pas prêté attention au titre de ce billet, vous avez sans doute déjà compris qu’il va être question d’implexe. Alors cramponnez-vous, ça va tanguer un peu…
C’est au tout début du XVIIème siècle que cette histoire commence. Nous n’avons pas de trace de la naissance des époux Philippe Toquiny et Magdelaine Departon. Ce couple appartient à la douzième génération, l’auteur de ces lignes étant membre de la première. Nous n’avons d’eux comme trace que les actes dressés à leur décès.
Voici celui de Philippe :
le dix-septième audit an françois toquiny âgé
de soixante et douze ans environ décédé le seizième
dudit de mars et inhumé le lendemain dans le cimetière
dudit lieu par moi prêtre curé soussigné avec service
complet la tour en présence de philippe et françois
toquiny enfants dudit défunt et jacques davanne pierre
toquiny jacques compagnon henry riet tous parents
et amis et du vicaire de seugy et balise floquet
clerc soussigné les marques de ce ?
christophe toquiny jacques davanne jacques
compagnon henry riet blaise floquet clerc
jouenne vicaire signé bisset curé avec paraphe
et celui de Magdelaine Departon
magdelaine parton veuve de françois toquiny
décédée du jour d’hier sixième jour de mai étant âgée
de quatre-vingt quatre ans ou environ et fut inhumée
le lendemain dudit jour par moi curé de viarmes
assisté de monsieur le vicaire et de pierre bachevillier
clerc en présence de mmr françois philippe sébastien et
chistophe toquiny ses enfants qui ont signé
toquiny christophe toquiny henry riet
avec paraphe
bisset curé avec paraphe
François Toquiny a 72 ans à son décès en 1677, il est donc né vers 1605. Magdelaine Parton, ou Departon est née vers 1603 puisqu’elle à 84 ans lors de son décès en 1687. Ces dates de naissance sont à prendre avec prudence car les âges notés sur les actes de décès sont souvent fantaisistes. Les registres paroissiaux ne permettront de toute façon pas de confirmer ou d’infirmer ces dates puisqu’ils sont très rarement remplis au début du siècle. Par exemple, à Viarmes, où semble avoir vécu le couple, les premiers datent de 1613.
Un autre détail ne vous aura sans doute pas échappé, l’année n’est mentionnée dans aucun des actes de décès. C’est très fréquent dans les registres paroissiaux, le curé mettait à la suite les actes d’une année sans la répéter dans chaque acte, ce qui oblige le chercheur à remonter, parfois plusieurs pages en arrière, pour connaitre l’année de l’évènement. Plus gênant encore, la copie conservée d’un acte isolé ne contient pas une information de la plus haute importance. Celui qui utilise les informations trouvées dans un arbre construit par un tiers et qui souhaite en vérifier la source n’a pas d’autre solution que de revenir au registre et de refaire la recherche en amont. Les curés d’antan ne se doutaient sans doute pas que leur paresse allait, pour l’éternité, empoisonner la vie d’une foule de gens ! N’oublions pas toutefois que ce travail de scribe leur était imposé depuis peu par les autorités royale et religieuse, que n’en voyant pas forcément l’intérêt, il le faisait sans doute de plus ou moins bonne grâce.
Revenons à la famille Toquiny, plus précisément à la génération XI. Nous savons que le couple a eu au moins quatre fils, ceux-là même qui sont présent à l’inhumation de leur mère. Nous allons nous intéresser plus particulièrement à deux d’entre eux, Philippe et François.
Il semble que philippe soit l’ainé des deux, mais un doute subsiste puisque son acte de naissance est introuvable, tout comme celui de François d’ailleurs.
L’acte le plus ancien dans lequel apparait Philippe est celui de son mariage avec Marie Bimon.
le mardi 26eme jour du mois de mars
1669 a été solennisé le mariage
d’entre philippe toquiny et marie
bimon tous deux de cette paroisse en
présence de leur parents et amis lesquels
ont signé
Nous disposons aussi de l’acte de Décès de Philippe Toquiny
philippe toquiny âgé de soixante et quinze
ans ou environ mort d’hier quatorzième
de juin a été inhumé le lendemain dudit jour
dans le cimetière de céans par moi prêtre
curé soussigné en présence de sébastien toquiny
son frère de françois toquiny son fils de charles
magnan ami qui ont signé.
L’acte a été dressé le 14 juin 1710 et c’est grâce à l’âge déclaré du défunt, 75 ans, que nous avons estimé sa naissance en 1635.
Passons maintenant à l’autre fils, François. Et là, c’est encore pire puisque nous n’avons ni acte de naissance ni acte de mariage !
Nous devrons donc nous contenter de son acte de décès.
françois toquiny marchand de vin âgé de cinquante-cinq ans, décédé
du jour d’hier quatrième de décembre, inhumé le lendemain par moi prêtre
curé en présence de philippe christophe et sébastien toquiny les
frères de henry riet riet et de denis douceur ?? qui ont signés
signé bisset curé avec paraphe
Malgré l’absence d’acte de mariage, nous sommes certains que François a bien épouse Nicole Douceur. Les nombreux enfants qu’a eu le couple sont là pour le prouver.
François est décédé en 1693 à l’âge de 55 ans, son année de naissance estimée est donc 1638.
Une question devrait normalement venir à l’esprit du lecteur. Philippe et François Toquiny sont-ils bien les enfants de Philippe et Magdelaine Departon ? Après tout il y a d’autre porteur du patronyme Toquiny dans la région et aucun acte ne relie directement la génération des frères aux supposés parents.
En fait il n’y a pas de certitude mais de très sérieuse présomptions. Celles-ci sont basées sur les personnes citées dans les actes. Quatre enfants témoignent au décès de Magdelaine Departon, deux d’entre eux sont aussi témoins au décès de François Toquiny, le père, et un troisième signe, même s’il n’est pas mentionné dans l’acte comme enfant du défunt. On en retrouve encore deux au décès de Philippe, le fils. Et aussi deux au décès de François, le fils. Nous avons donc bien à faire à une fratrie. Pour que ces frères ne soient pas les enfants de Philippe et Magdelaine Departon, il faudrait qu’une fratrie similaire ai vécu à Viarmes dans la même période, avec d’autres parents. Les registres de Viarmes, complètement décryptés pour toute cette période ne montrent rien de tel.
Mais la démarche du généalogiste doit rester scientifique, ce qui signifie qu’à tout moment l’apparition d’une preuve plus forte doit remettre en cause ce qui était considéré comme acquis. Peut-être qu’un jour vous lirez sur ce blog que ce qui est décrit ici est une simple illusion et qu’il n’y a absolument aucun implexe. Mais j’anticipe, car il nous reste trois générations à étudier avant d’arriver à la conclusion. Avant d’avancer, ce conseil à ceux qui lisent ces lignes et seraient tentés par le voyage dans le temps que constitue la généalogie : exploitez toutes les informations contenues dans les actes, en particulier les personnes citées, leur âge et leur lien de parenté lorsqu’ils sont précisés, les professions, etc. Notez tout cela dans votre arbre, tous les logiciels le permettent ainsi que le format Gedcom. A coup sûr, ces informations vous permettront un jour de progresser.
Il est temps de revenir à notre cas, voici où nous en sommes pour la génération X.
Le couple Philippe Toquiny et Marie Bimont a eu sept enfants. C’est Marie, la quatrième née qui nous intéresse aujourd’hui. Voici son acte de naissance, le 28/4/1678
Marie née ce jourd’hui vingt huitième jour du mois d’avril
fille de philippe toquiny et marie bimond sa femme
a été baptisée le deuxième du mois de may par moi prêtre
vicaire soussigné le parrain henry compagnon fils de jacques
et de marie duchaussois sa femme la marraine louis davanne
fille de jacques et marie poulet sa femme le père absent
le parrain a signé la marraine a déclaré ne savoir signer
de ce requis.
En 1709, marie épouse Jean Dépied
jean dépied veuf de défunte marguerite briet
d’une part et marie toquiny fille de philippe toquiny
et de défunte marie bimont ses père et mère tous deux
de cette paroisse d’autre part ont été mariés ce jourd’hui
vingt troisième de juillet par moi prêtre curé de viarmes
après les publications des trois bans fait à l’ordinaire
dans ladite paroisse sans aucun empêchement ledit
dépied assisté de jean langlois son beau-frère et de
pierre bachevillier amis, ladite toquiny assistée
de son dit père et de jean adam son beau-frère qui ont déclaré
ne savoir signer
Il n’est pas inutile de s’attarder un peu sur Jean Dépied. Marie Toquiny est sa troisième épouse. Après le décès de celle-ci, en 1712, quelques mois après la naissance de son second enfant, il contractera un quatrième mariage. Dix-sept enfants naîtront de ces quatre unions. Il me semble bien que c’est un record pour notre famille, mais dans la région la performance de Nicolas Chalot, avec ses 23 enfants, évoqué dans le billet titré « quand on aime, on ne compte pas les mariages », reste inaccessible.
Examinons maintenant la descendance de l’autre fils, François. Il a eu avec son épouse, Nicole Douceur, treize enfants. Cette génération marque une incontestable ascension sociale, au moins pour un de ses enfants. Charles Auguste, l’aîné, est devenu, entre autres, procureur fiscal, ce qui signifie qu’il représentait le ministère public dans la justice seigneuriale. Un autre, Louis est aubergiste. Mais c’est à Marie Magdelaine, née neuvième que nous allons nous intéresser.
marie magdeleine née de vendredi dernier dixième
de septembre fille de françois Toquiny marchand et
de nicole douceur sa femme a été baptisée le dimanche
suivant douzième dudit mois, le parrain louis corboran
fils de françois corboran menuisier, la marraine
magdeleine boullet fille de défunt maitre jean
boullet vivant receveur. Le père absent, le parrain
et la marraine ont signé avec moi bisset curé.
Marie magdelaine épouse François Dinary en 1715.
françois dinary fils de défunt jacques
d’hinary et de défunte Elisabeth
barbier ses père et mère d’une part
de la paroisse de mareil et marie magdelaine
toquiny d’autre part fille de défunt
françois toquiny de cette paroisse après la publication
des bans faits en cette paroisse et en celle
de mareil en France en nos messes
paroissiales tant en l’église de mareil
qu’en cette paroisse vu le certificat du
sieur curé dudit mareil daté du vingt
quatre février mil sept cent quinze signé
cousin le premier le treizième février
et les deux autres les dimanches suivant
sans qu’il ne se soit trouvé aucun opposition
ni empêchement les fiançailles célébrées
le jour précédent ont été mariés par nous
prêtre curé soussigné le lundi vingt
cinquième février mil sept cent quinze
en présence des témoins qui ont signé
Cet acte nous apprend que François Dinary, l’époux de Marie Magdelaine Toquiny est originaire de Mareil en France, un village situé lui aussi dans le Val d’Oise, pas très loin de Viarmes où le mariage a été célébré.
Pour la génération suivante, la neuvième, nous savons déjà que Marie Toquiny, la troisième épouse de Jean Dépied, est morte jeune. Mariée en 1709, elle a eu deux enfants. Le second, jean, est décédé avant son premier anniversaire peu de temps avant sa mère. C’est donc grâce à l’aînée, Marie Jeanne, que notre histoire va pouvoir continuer.
marie jeanne né le jour d’hier treizième d’avril
fille de jean depied et de marie toquiny
sa femme a été baptisée le lendemain du
dit jour par moi prêtre curé soussigné le
parrain jean toquiny fils de défunt
françois toquiny marchand qui a signé
la marraine marie françois fille de
léon françois qui a déclaré ne savoir
signer de ce interpellée.
En 1736, marie Jeanne Dépied va épouser Pierre Antheaume.
L’écriture de l’acte dressé à l’occasion de ce mariage est particulièrement soignée et vous laisse donc le lire en m’épargnant la peine de le transcrire.
Du coté des descendants de François, c’est Magdelaine Jeanne, la fille aînée du couple François Dinary et Marie Magdelaine Toquiny, qui va écrire un nouveau chapitre de cette saga. son acte de naissance est plutôt embrouillé, donc je le transcris.
magdelaine jeanne née du treizième décembre fille
de françois dinary et de marie magdelaine
toquiny sa femme a été baptisée le quinze
dudit mois par moi prêtre curé soussigné
le parrain maitre jean defforge receveur de
la terre et seigneurie de viarmes la
marraine dame magdelaine boullemer femme
du sieur guenin capitaine des chasses
de royaumont qui ont signé
en 1739, Magdelaine Jeanne épouse Hugues André, que vous connaissez bien. En effet, l’histoire de ce menuisier venu de haute Saône vous a été contée dans billet intitulé « le long voyage d’Hugues André dit comtois ». L’acte de mariage, lui aussi très lisible s’y trouve, si vous souhaitez vous rafraichir la mémoire.
Ce billet était toutefois principalement consacré au parcours de Hugues André. La vie se son épouse Magdelaine Jeanne, fut malheureusement bien courte puisqu’elle est décédée à 25 ans.
Chers lecteurs et lectrices, cette expédition généalogique se révèle plus longue que je l'avais imaginé. Je vais donc vous laisser digérer cette prose et vous donne rendez-vous très bientôt pour la suite de ce billet.
Peut-être aussi que ce petit croquis vous aidera à suivre...
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Commentaires
2Quagliata CélineMercredi 12 Octobre 2016 à 09:15Toujours les mêmes qui lisent les nouveaux billets de ce blog en même temps qu'ils prennent leur café!
La suite, la suite!
3Quagliata CélineMercredi 12 Octobre 2016 à 09:18
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Belle(s) investigation(s) ;)
Nico
PS : la transcription de "l'écriture soignée" du mariage de Jeanne Dépied et Pierre Antheaume s'avère quand même compliquée pour des yeux néophytes de parchemin tel que moi...