• Une affaire rondement menée

    L’histoire en trois actes que je vais vous conter aujourd’hui a de nouveau pour décor la petite ville de Viarmes, dans le Val d‘Oise.

    Le premier se déroule le 13 mars 1740 et voit l’héroïne, Marie Louise Metayer, enterrer son époux, Jacques Delacroix. Voici l’acte que le curé de Viarmes dresse sur le registre de la paroisse, suivi de sa transcription :

    Une affaire rondement menée

    Jacques Delacroix chartier âgé de soixante-dix ans ou environ

    mort le treizième jour du mois de mars inhumé le lendemain dans le cimetière

    de ce lieu par moy prêtre vicaire de ce lieu sous signé, en

    présence de Charles Durand clerc de cette fabrique et de Claude Durand

    son fils qui ont signé.

    Une petite explication à ceux qui seraient déroutés par le terme "fabrique", utilisé dans cet acte, est peut-être nécessaire. Il s'agit, d'un point de vue strictement étymologique de la construction, du bâtiment appelé église. Ce terme désigne l'église sous son aspect temporel, l'aspect spirituel étant le domaine du curé.

    Jacques Delacroix et Marie Louise Metayer se sont mariés neuf ans plus tôt, le 23 avril 1731, à Viarmes. Voici leur acte de mariage :

    Une affaire rondement menée

    Jacques Delacroix garçon majeur domestique en cette paroisse fils de

    défunt Jacques Delacroix et de Jeanne Levacher ses père et mère de la

    paroisse de Nesle d’une part et Marie Louise Metaïer fille de Nicolas

    Metayer et de Marie Dupuis ses père et mère de cette paroisse

    d’autre part. Après la publication de deux bans faite aux prônes

    de nos messes paroissiales par deux dimanches consécutifs, dont

    le premier a été fait le dimanche vingt et un février et le second le dimanche

    quinze avril mil sept cent trente un, le denier desdits bans dispense

    obtenue de Monsieur le vicaire général de Beauvais datté du treizième

    avril audit an mil sept cent trente signé Michel Justiné et contrôlé audit Beauvais

    ledit jour et an que dessus par Renard sans que s’y soit trouvé aucune

    opposition les fiançailles célébrées le jour précédent ont été mariés le

    lendemain vingt troisième avril audit an mil sept cent trente un

    par moi prêtre curé soussigné, ledit Delacroix assisté de ladite

    Jeanne Levacher sa mère, de François Toquiny, la dite Marie Louise

    Metayer assisté dudit Nicolas Metayer Nicolas son père et autres parents

    et amis qui ont signé.

    Quelques remarques à propos de cet acte. Jean Douceur, le curé qui le rédige réussi à orthographier différemment, dans la même phrase, le nom de l’épouse : Metaïer d’abord puis Metayer, orthographe qu’il ne changera plus tout au long de l’acte. Emporté par son élan il évoque les dimanches consécutifs pour la publication des bans comme si le 21 février, date à laquelle fut publié le premier précédait le quinze avril, date du second. La dispense obtenue le 23 avril est bien étrange puisque, depuis la publication du premier ban, on avait tout le temps nécessaire pour respecter la règle des trois bans. D’un point de vue généalogique, l’acte de décès de jacques Delacroix lui donne 70 ans, il serait donc né vers 1670 et aurait eu 61 ans à la date de son mariage avec Marie Louise Metayer. Cet âge plutôt avancé ne l’a pas empêché d’avoir trois enfants, Jacques né et 1733, Marie Louise née en 1735 et Louis né en 1737 qui ne vivra qu’un an.

    C’est grâce aux travaux d’un autre généalogiste, Alain Diot, publiés sur généanet que j’ai retrouvé la trace des parents de Jacques Delacroix. Le couple a célébré son mariage à Hédouville, un village situé à une vingtaine de kilomètres de Viarmes, le 16 janvier 1676. Voici l’acte de mariage dressé à cette occasion.

    Une affaire rondement menée

    Jacques Delacroix de la paroisse d’Hédouville a

    épousé jeanne Levacher de la même paroisse en

    face de notre mère l’église toutes les cérémonies

    ? observées le seizième janvier mil six

    cent soixante-seize en présence de maitre Jean Levacher

    frère de ladite épouse et Marin Levacher son père

    et de Jeanne Liebault mère dudit Delacroix qui

    ont soussignés avec lesdits contractants

    La profession des époux n’est pas mentionnée dans l’acte, celles des parents non plus. Il devait s’agir de notables puisque, fait plutôt rare à cette époque, tous sont lettrés, y compris l’épouse et la mère de l’époux dont la signature montre une relative maîtrise de l’écrit.

    Nous avons vu au début de ce billet que la date de naissance de Jacques Delacroix, estimée sur la base de l’âge déclaré à son décès se situait vars 1670. Ses parents ayant célébré leur mariage en 1676, cette estimation est probablement fantaisiste.

    Une recherche dans les pages qui suivent celle du mariage dans le registre d’Hédouville nous  a permis de découvrir l’acte de naissance de Jacques, qui confirme l’exagération de son âge au moment de son décès :

     Une affaire rondement menée

    Ce jourd’hui dixième aout 1682 a été baptisé Jacques Delacroix fils de

    de Jacques et Jeanne Levacher sa femme son parrain jacques robnis ?

    de la ? et seigneurerie de ? sa marraine marie richard fille de pierre richard

    ?? par moi soussigné

    Comme il est né en 1682 et non en 1670, Jacques Delacroix avait donc 57 ans à son décès et 48 à son mariage avec Marie Louise Metayer.

    Ces précisions sur les origines de Jacques Delacroix ayant été données,  il est temps de rentrer dans le vif du sujet. Marie Louise Metayer, sa veuve commence le 13 mars 1740 un deuil qui va durer douze jours, et peut-être même un peu moins puisqu’il a sans doute fallut un peu de temps pour convaincre le curé de Viarmes d’annoncer au prône de la messe du 25 le projet de mariage entre Marie Louise Metayer, la veuve, et Joseph Perin. C’est le 26 avril de la même année que sera célébré ce mariage, comme le raconte l’acte, le second de cette saga, rédigé par le curé que je vous propose de lire.

    Une affaire rondement menée

      

    Une affaire rondement menée

     

    Joseph Perin manouvrier fils de Denis et de

    Jeanne Compagnon ses père et mère d’une part et Marie

    Mettailler, veuve de Jacques Lacroix d’autre part,

    tous de cette paroisse, après la publication des trois

    bans faite au prône de notre messe paroissiale par

    trois dimanches consécutifs dont le premier a été fait

    le vingt cinq du mois de mars mil sept cent quarante

    les deux autres en suivant sans qu’il s’y soit trouvé

    aucun opposition ny empêchement les fiançailles

    célébrées le vingt cinq avril et ont été mariés le lendemain

    vingt-six du présent mois d’avril mil sept cent

    quarante par moi prêtre vicaire de ce lieu sous

    signé ledit Joseph Perin assisté d’Alexandre Perin

    son frère et de Claude Durand. Ladite Marie

    Maittailler assistée de Nicolas Maittailler son père et

    de Louis Bertain son oncle qui ont signé

    Voila un veuvage qui doit pouvoir prétendre occuper une belle position au classement des plus courts de la spécialité.

    L’histoire ne s’arrête pas là puisque, moins d’une semaine plus tard, le 1er mai 1740, le curé reprend sa plume pour coucher sur le registre paroissial le troisième acte de cette étonnante histoire familiale

    Une affaire rondement menée

    Marie Françoise née le premier [mai] fille posthume de défunt jacques Delacroix et de Marie Metayer

    ses père et mère baptisée le même jour par moi prêtre vicaire

    de ce lieu soussigné le parrain Jean Baptiste Soret fils d’Antoine

    la marraine Marie Catherine Perrin fille de Simon, manouvrier

    tous de cette paroisse le parrain a signé la marraine a déclaré

    ne savoir signer de ce interpellée

    Je suis intrigué par cette précipitation de Marie Louise à vouloir se remarier alors qu’elle est sur le point d’accoucher d’un enfant de son premier mari. Y a-t-il un secret dans cette famille ?

    Le point final de cette histoire étant tapé sur mon clavier, je vais reprendre le décryptage du registre paroissial de Viarmes en me demandant quelle surprise Marie Louise et son nouvel époux nous réserve.


  • Commentaires

    1
    cécile
    Lundi 4 Juillet 2016 à 20:28

    il y a une 3ème orthographe : maittailler (acte du 26 avril 1740)!

      • Mardi 5 Juillet 2016 à 12:41

        ma réponse à ta très juste remarque s'est retrouvée à la suite de celle que j'ai faite à ta cousine Céline (mystère de l'informatique, ou fausse manipulation de ma part)

    2
    Quagliata Céline
    Mardi 5 Juillet 2016 à 07:43

    Des notables! Dis donc on monte dans l'échelle sociale !

    Pour être plus tatillon, je dirais même que le 1er mari de notre veuve joyeuse est décédé à 58 ans puisque né en 1682 et décédé en 1740. 

    C'est fou comme l'écriture et l'état de conservation des archives changent entre celles du 17ème et celles du 18ème. 

     

     

    3
    Mardi 5 Juillet 2016 à 12:26

    En fait, ces "notables" n'ont qu'un lien de parenté très lointain avec nous (voir ci-dessous le lien tracé par généatique, le logiciel que j'utilise).

    Pour ce qui est de son âge au moment du décès, il est né le 2 août 1682 et décédé le 13 mars 1740, avant d'atteindre son 58eme anniversaire. Il avait donc bien 57 ans...

    L'écriture a effectivement évolué au fil du temps, comme les formules utilisées ainsi que les informations, telles que filiations, domiciles, professions et âges des personnes citées, etc). Mais on est aussi tributaire du soin apporté par le rédacteur à son travail. Certains textes très anciens sont plus faciles à lire que d'autres plus récents.

     

    Le lien de parenté entre BONNETON Georges Henri et  DELACROIX ; LACROIX Jacques :

     

    - BONNETON Georges Henri (° 1922 + 2006), fils de :

    - BRETON Jeanne Joséphine (° 1891 + 1988), fille de :

    - BRETON Alfred Eugène (° 1861 + 1897), fils de :

    - ANTHEAUME Désirée Antoinette (° 1831 + 1885), fille de :

    - ANTHEAUME Nicolas Gabriel (° 1803 + 1869), fils de :

    - ANTHEAUME Nicolas Victor (° 1776 + 1827), fils de :

    - ANTHEAUME Jean (° 1737 + 1806), fils de :

    - DEPIED Marie Jeanne (° 1710 + 1738), fille de :

    - TOCQUINY Marie (° 1678 + 1712), fille de :

    - TOCQUINY ; TOQUINY Philippe (° 1635 + 1710), père de :

    - TOQUINY François (° 1671), père de :

    - TOQUINY Marguerite Françoise (° 1702 + 1729), mère de :

    - DUPUIS Anne Françoise (° 1727), fille de :

    - DUPUIS Philippe (° 1701), fils de :

    - DUPUIS Philippe (° 1668 + 1716), fils de :

    - DUPUIS Martin (° 1614 + 1683), père de :

    - DUPUIS Marie (° 1663 + 1735), mère de :

    - METTAYER ; METAIER ; MAITAYER ; MAITAILLER Marie Louise (° 1704), mère de :

    - DELACROIX Jacques (° 1733), fils de :

    - DELACROIX ; LACROIX Jacques (° 1682 + 1740).

     

    4
    Mardi 5 Juillet 2016 à 12:35

    L'évolution des noms de famille est un des cauchemars des généalogistes. Au moment de rédiger un acte, le curé, surtout s'il exerçait son ministère depuis peu de temps dans une paroisse, ne disposait que des informations fournies oralement par les présents. Ce lien était donc essentiellement phonétique. même les lettrés dont la signature, lorsqu'elle est lisible, montre souvent un patronyme différent de celui utilisé par le curé dans l'acte.

    Plus étonnamment, certaines évolution torturent même la phonétique. Par exemple Breteuille évolue vers Breteville, sans qu'on sache vraiment pourquoi.

    Dans le cas du mariage de Marie Metayer, ce qui est étonnant et pas si fréquent, c'est que le curé hésite entre deux orthographe à quelques minutes d’intervalle.

     

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