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Histoire de blondes
Au fil de mes recherches, il m'est arrivé de rencontrer des professions qui m'ont intrigué. Une d'entre elles est longtemps restée mystérieuse.
Lors du baptême de Nicolas Alexandre Leclerc à Viarmes, le 21 décembre 1775, le parrain du nouveau né, Jean Nicolas Lionnet exerce la profession de marchand de blondes. Voici l'acte de baptême en question. Comme l'écriture du vicaire Delaunay n'est pas très lisible, j'ai souligné la profession du parrain.
Un autre marchand de blondes est apparu dans la généalogie familiale en la personne de Jean François Devaux, parfois prénommé François. Le dix sept du mois de pluviôse de l'an VI de la République (5 février 1798 du calendrier grégorien), toujours à Viarmes, il témoigne lors de la naissance de Catherine Françoise Rosalie Davanne. Pour alléger ce billet, je ne vous propose qu'un extrait de l'acte rédigé lors de la naissance, extrait dans lequel la profession du parrain est mentionnée. Md est l'abréviation de marchand.
Pierre Jean Devaux, probablement apparenté au précédent, se déclare aussi marchand de blonde lors de la naissance de Louise Aline Devaux, fille Jean François, cité juste au dessus, le 2eme jour complémentaire de l'an VI (18 septembre 1798). L'acte a été rédigé à Viarmes, mais aussi bien Jean François Devaux que Pierre Jean vivent à Chantilly.
Nous avons aussi Pierre Bernard Bimont, curateur de Louise Henriette Doublet lors de son mariage avec Jean Baptiste Vanesme, célébré à Viarmes le 19 mars 1808. Cet autre marchand de blonde demeure à Luzarche.
Mais à quel commerce ces marchands de blonde ou blondes se livrent ils ?
C'est le mariage entre Ambroise Richer et Aimable Constance Davanne, à Viarmes le sept février 1809, qui va apporter la réponse à cette question:
aujourd'hui septième jour du mois
de février de l'an mil huit cent neuf
heure de midi se sont présenté par
devant nous adjoint par délégation spéciale de
monsieur le maire absent, les personnes de
Ambroise Richer tisserand âgé de vingt neuf ans
ayant obéi aux lois du gouvernement, fils du
légitime mariage de Louis Charles Richer
vigneron en cette commune et de Marie Anne
Victoire Meunier ses père et mère présents
et Aimable Constance Davanne ouvrière en
dentelle blonde âgée de vingt quatre ans, fille
du légitime mariage d'Adrien Davanne, vigneron
et de Louise Adélaïde Lobjeois ses père et mère
tous nés et domiciliés en cette commune de Viarmes
les père et mère présents et consentants audit mariage
n'y ayant aucune opposition de part ni d'autre
est extrait de publication de mariage la date
du vingt deux et vingt neuf de janvier dernier
au registre de publications approuvé
et signé des pères présents; les parties voulant
passer outre pour contracter le mariage le dit
Ambroise Richer futur époux nous a présenté pour ses témoins
son père présent les personnes de Louis Charles François
Richer son frère aîné vigneron et Charles François
François son parrain, tous de cette commune
et de la part de la future Aimable Constance Davanne
elle nous a présenté pour ses témoins les personnes de
son père présent, Antoine Lobjeois manouvrier et Samson
Lobjeois boulanger ses deux oncles maternels
tous demeurant à Viarmes qui ont signé avec
nous après que la lecture de la présente acte a
été lue présence de l'assemblée nous avons signé
constaté par moi adjoint faisant les fonctions
d'officier public de l'état civil le jour mois et an
susdit
Au milieu du texte à la syntaxe pour le moins approximative du rédacteur de cet acte, se cache la réponse à la question posée plus haut. La future épouse exerce la profession d'ouvrière en dentelle blonde. Le terme de "blonde" est donc une contraction de la formule "dentelle blonde".
D'ailleurs, si vous recherchez sur internet ce terme de dentelle blonde, vous serez peut être surpris du nombre de sites qui traitent le sujet de la dentelle. Car les dentellières travaillaient dans de nombreuses régions en France et même en Europe. Chaque région avait ses spécificités.
En passant un peu de temps dans ce monde de la dentelle tel qu'il est décrit sur internet, j'ai trouvé deux explications à ce terme de "blonde". Selon la première, le terme viendrait de la couleur du cocon du bombyx du mûrier dont le fil est la soie utilisée parfois pour ces dentelles. L'autre attribue la terme à la couleur d'un fil de soie venu de Nankin utilisé pour produire cette blonde.
On faisait donc de la dentelle dans le Val d'Oise comme à peu près partout. Une dentelle réputée est celle de Chantilly et cette ville royale ne se trouve qu'à 10km de Viarmes. C'est donc sans doute de la dentelle de Chantilly que produisait toutes les dentellières qu'on rencontre dans la partie Val d'Oisienne de notre généalogie.
Je ne vais pas me lancer dans une description détaillée de la technique utilisée. Sachez simplement que cette dentelle est réalisée avec des fuseaux. Des aiguilles sont plantées sur un patron suivant le dessin voulu et la dentellière croise et tord les fils attachés au fuseaux en s'appuyant sur les aiguilles. Il faut beaucoup d'agilité à l'ouvrière pour manipuler cette foret de fuseaux et faire naître de cette masse de fils le délicat ouvrage.
En terme économique, les professions liées à la production de dentelle dans le Val d'Oise, si elles sont loin d'être citées aussi souvent que celles de l'agriculture en particulier celles de la vigne, sont loin d'être négligeables.
Au point où j'en suis de la lecture systématique des registres de la ville de Viarmes, (donc à ce jour de 1630 à 1809), j'ai recensé 25 marchands et une marchande de dentelle, 47 ouvrières et un ouvrier en dentelle.
Comme je l'ai déjà mentionné dans ce billet, il existe abondance de littérature, en particulier sur internet, sur la dentelle et les dentellières. Plus spécifiquement pour Chantilly, un musée consacré à cet art a été ouvert dans cette ville. La photo du dessus vient du site de ce musée.
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