• La scène qui débute l’histoire qui va vous être contée aujourd’hui se passe à Viarmes, le jeudi quatre juin mil six cent quatre-vingt-deux, par l’accouchement de Jeanne Breteuille. Et la dite Jeanne, alors âgée de quarante-six ans – si on se fie à l’âge mentionné sur son acte de décès, en 1696- est veuve, non remariée, de Martin Bimont depuis le 22 juin 1675, date du décès de celui-ci. Cette situation n’échappe pas au curé Bisset au moment de rédiger l’acte de baptême du nouveau-né.

    La veuve joyeuse

     

    La veuve joyeuse

    C’est apparemment la sage-femme, informée  des secrets intimes de la maman, qui lui donne la solution. Il est donc transcrit que le père de l’enfant illégitime est Claude Poulet, fils de Claude et Anne Mignan, qui a alors 28 ans. L’enfant portera donc le nom de son père. A-t ‘il passé ses premières années avec sa mère auprès des enfants qu’elle a eues avec son mari ? Nous en connaissons cinq, mais seule la date de naissance des deux derniers est connue. Il est vraisemblable que le couple est venu s’installer à Viarmes juste avant la naissance de Christophe, le 27 juillet 1671. Fait troublant, l’acte de naissance du dernier enfant du couple, Marie, le premier janvier 1676, précise que le père est absent, ce qui n’est pas faux et qu’on ne peut guère lui reprocher puisqu’il est décédé depuis six mois !

    Voici l’acte de décès de Martin Bimont

    La veuve joyeuse

     

    L’acte de naissance de Marie, dernier enfant du couple

    La veuve joyeuse

    Célibataire au moment de sa relation Claude Poulet, le père de l’enfant né hors mariage, n’épousera pas la veuve. Après avoir essayé une femme plus âgée que lui de 12 ans, il attendra cinq ans avant d’épouser Marie Arnoult, qui est de dix ans sa cadette. Voilà un homme éclectique dans ses choix.

    Nés de son mariage légitime avec Marie Arnoul, nous connaissons neuf enfants à notre Don Juan. Dont deux se prénomment Claude. Bien que rien ne l’indique dans les registres paroissiaux de Viarmes, il est vraisemblable que le premier des deux, né en 1693 n’ait pas survécu.

    L’histoire ne s’arrête pas là. En effet, nos deux Claude Poulet, le légitime et l’illégitime, réussiront l’exploit d’épouser, tous deux,  une fille nommée Marie Meunier. Celle qu’a épousé Claude l’illégitime est fille de René et Geneviève Beaucé. L’autre est la fille de Denis et Marie Laisné.

    Voici l’acte de mariage de Claude, l’illégitime

     La veuve joyeuse

    Et celui de Claude, le légitime

    La veuve joyeuse

     

    La veuve joyeuse

    Nous avons donc eu à Viarmes dans la même génération deux couples portant exactement les mêmes patronymes. Voilà le genre de situation qui tourne souvent au casse-tête pour les généalogistes. Mais leur entreprise, visiblement destinée à nous empoisonner la vie, n’est que partiellement réussie, puisque Claude, le plus âgé et illégitime décédera deux ans avant le mariage du second Claude Il n’y a donc que peu de chance de confondre les enfants des deux couples.

    L'arbre généalogique posté sur le site Geneanet, avec la filiation des protagonistes et leur descendance aidera ceux qui peinent à suivre ces péripéties. Il donne aussi les références des actes sur le site des Archives départementales du Val d'Oise.

     

    http://gw.geneanet.org/gbonneton_w


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  • Au moment où j’écris ces lignes on est en pleine célébration du tricentenaire de la mort de Louis XIV. Le nom de ce monarque évoque le faste. La vie à Versailles rendait envieux les dirigeants du monde entier. A l’autre extrémité de l’échelle sociale, la situation était loin d’être aussi brillante et l’étude des registres paroissiaux de la fin du XVIIeme siècle nous en offre une étonnante illustration. Si on examine le registre de Viarmes, dans le Val d’Oise en 1693 entre le 24 octobre et le 12 décembre on est surpris de trouver une succession de 25 décès sans aucun baptême ni mariage. Voici deux pages contiguës extraites de cette période.

    le bon vieux temps  

    le bon vieux temps

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Pourtant  le registre est tenu par le curé dans un strict ordre chronologique et on devrait trouver une répartition aléatoire au moins pour les naissances et les décès. C’est d’ailleurs le cas les autres années. A Viarmes et ailleurs, bien sûr, on meurt donc beaucoup en ces temps. L’explication est à chercher dans l’année précédente ou un hiver très rigoureux suivi d’un printemps et d’un été pluvieux ont ruiné les récoltes et fait flamber le prix des céréales. Comme par ailleurs le roi augmente les impôts pour financer ses guerres, la population n’a tout simplement plus les moyens de se nourrir convenablement. Cette famine à selon les historiens provoqué 1.300.000 décès alors que le pays comptait un peu plus de 20.000.000 d’habitants. Mais le plus étrange n’est pas là. En effet, habituellement, dans une période donnée, une partie importante des décès concerne des nouveaux nés et, dans le cas de 1693, il n’y a pas de baptême et donc de nouveau-né dans cette période. La raison est que, au pire moment de la famine, la sous-alimentation a provoqué chez les femmes en âge de procréer une perte des règles appelé aménorrhée. Et, neuf mois plus tard, le taux de natalité chute brutalement.

    Ceux qui souhaitent en savoir plus sur la question peuvent utilement consulter l’article d’Emmanuel Le Roy Ladurie dans les Annales de 1969.

    Cette disette de 1693 n’est pas un cas isolé, et de telles famines se sont produites tout au long des siècles jusqu’au milieu du XIXème. Songeons à la détresse de nos ancêtres en ces époques avant de nous plaindre de nos petits malheurs. D’où le titre ironique du billet.


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  • Le billet précédent de ce blog vous contait, en deux temps (il était temps et il était temps, le dénouement), l’histoire d’Antoine Levesque et Marie Anne Prouain, ce couple qui luttait contre la montre pour que son union soit « solennisée », comme on disait parfois en ces temps, devant le prêtre avant que son fruit soit porté sur les fonts baptismaux. Cela se passait à Saint Martin du Tertre en 1722.

    L’ordre dans lequel dans lequel je décrypte les registres des paroisses où vécurent nos aïeux et le hasard, son fidèle compère, veulent que les amours de Nicolas Chalot et Marguerite Fournier et leurs péripéties soient contées ici, juste après celles d’Antoine et Marie Anne.

    Nous somme à Viarmes, à deux pas de Saint Martin du Tertre, en mil six cent quatre vingt dix sept, le seize février et voici l’acte de mariage de nos tourtereaux.

     

    Nicolas Chalot marchand de dantelles veuf de défunte Marie Gille d’une part, de cette paroisse, et Marguerite Fournier fille de défunt Jean Fournier laboureur et de défunte Nicole Davanne ses père et mère de la paroisse d’Asnière ont été mariés ce jourd’hui seizième de février par moi prêtre curé, après la publication des bans faite à l’ordinaire dans les paroisses de Viarmes et d’Asnière et les fiançailles sans aucun empêchement, ledit Chalot assisté de Pierre Bachevilliers et Henry Compagnon, ses amis, ladite Fournier assistée de Pierre halboug et Nicolas Meunier ses beaux frères qui ont signé. Signé Bisset Curé, avec paraphe.

    Rien que de très classique dans cet acte. Notons tout de même que le jeune marié n’est pas si jeune que ça puisque, de son premier mariage, avec Marie Gille, il a eu huit enfants, entre 1685 et 1693. Marie Gille est décédée le vingt quatre juillet mil six cent quatre vingt quatorze. Si on se fie l’âge de quatre vingt trois ans donné dans l’acte de décès de Nicolas Chalot, le neuf octobre mil sept cent quarante, il est né vers mil six cent cinquante sept et à donc environ quarante ans lors de son mariage avec Marguerite Fournier. Cinq des huit enfants de son premier mariage sont d’ailleurs mort en bas âge, dont les trois prénommés Nicolas !

    Examinons maintenant l’acte qui suit ce mariage dans le registre.

     trop tard

    Françoise Chalot, fille de Messire Nicolas Chalot, marchand et de Marguerite Fournier, sa femme, baptisée le seizième de février, le parrain Nicolas Meunier, fruitier, la marraine Françoise Simon, veuve d’Antoine Chalot. Le parrain a signé, la marraine a déclaré ne savoir signé. Signé Bisset Curé.

    La situation se complique donc un peu puisque, dans la foulée du mariage, on baptise une petite fille dont les parents sont tout juste unis devant dieu et les hommes. Le curé Bisset, très rigoureux dans ses rédactions précise habituellement distinctement les dates de naissance et baptême. Dans cas la date de naissance est omise.

    La petite Françoise ne vivra que bien peu, puisque l’acte qui suit celui de son baptême dans le registre est celui de son décès. Et cet acte nous éclaire sur la chronologie des événements antérieurs.

     trop tard

    Françoise Chalot, âgée de sept jours, fille dudit Chalot et de Marguerite Fournier, sa femme, décédée d’aujourd’hui vingtième de février, inhumée le même jour par moi prêtre curé en présence de Louis Corboran qui a signé. Signé Bisset Curé.

    Une simple soustraction nous permet de dater la naissance de Françoise au treize février, trois jours avant le mariage de ses parents.

    Est-ce pour préserver les apparences et une chronologie plus conforme aux mœurs de l’époque qu’on à patienté quatre jours pour baptiser la petite Françoise ? Baptisée avant le mariage, l’acte aurait mentionné le caractère illégitime de cette naissance.

    Chacun apportera à cette question la réponse de son choix. Il n’est peut-être pas inutile de préciser la position sociale des protagonistes de cet épisode. Nicolas Chalot, marchand de dentelle ou marchand était-il marchand ambulant ? En tout cas, peut-être grâce à ce travail, il avait des relations puisque le parrain de Jean Nicolas, le dernier fils qu’il a eu avec sa première épouse, Marie Gille, n’est autre que Jacques Dalichamps, fils de Jacques, mon Sosa 1346, procureur fiscal de Viarmes. Le procureur fiscal était un officier désigné par le seigneur du lieu pour veiller à l’intérêt public et à celui du seigneur. Il avait en charge, entre autre, la collecte de l’impôt. Un des fils de Nicolas, Louis sera quant à lui procureur du roi en la gabelle de Creil.


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  • Voici, enfin, le billet promis sur la fin de la courte histoire d’Antoine, premier enfant du couple Antoine Levesque et Marie Anne Prouin. Il s’agit d’ailleurs du début de l’histoire en question puisque, par jeu, j’avais décidé de la conter en remontant le temps.

    Comme vous l’avez maintenant tous compris, l’acte que vous deviez découvrir est celui du mariage des parents du nouveau né, la veille de sa naissance.

     

    Comme vous pouvez le constater, rien ne transparaît dans cet acte de la situation particulière de la jeune mariée. Avait-elle choisi une tenue particulièrement ample pour masquer son ventre rebondi ? Personne n’était sans doute dupe, ni les parents, présents au mariage, ni le curé ou les amis. Les apparences sont sauves mais il s’en est fallut d’un jour que l’ordre des événements soit inversés et que cette naissance ait lieu hors mariage. Notons au passage que les bans de ce mariage ont été publiés régulièrement par trois dimanches consécutifs. Les dispenses d’un ou de plusieurs des bans n’étaient pourtant pas rares. L’imminence de la naissance d’un enfant « conçu dans le péché » n’était sans doute pas considérée comme une cause légitime de dispense.

    Attardons nous maintenant sur la question subsidiaire posée aux pugnaces lecteurs de cette prose : « pourquoi les actes de cette période  ne sont ils pas accessibles sur le site des archives départementales du Val d’Oise » ?

    Il fa falloir faire un peu d’histoire pour apporter une réponse quelque peu pertinente à cette question.

    Remontons donc le temps de près de cinq siècles, en 1539 exactement. François premier qui règne alors a demandé à Guillaume Poyet, avocat et membre de son conseil privé de rédiger une ordonnance sur le « fait de justice ». Connue sous le nom d’ordonnance de Villers-Cotterêts, daté du 25 août 1539, elle est un des plus anciens textes fondateurs du droit français et la cour de cassation s’y réfère encore de nos jours, bel exemple de longévité dont les législateurs du temps présent feraient bien de s’inspirer. Sa principale disposition concerne l’usage du français pour la rédaction des actes publics, en lieu et place du latin. Autre disposition de grand intérêt pour les généalogistes, elle impose la tenue, dans chaque paroisse, d’un registre des baptêmes. Ces registres doivent être déposés au tribunal royal du lieu chaque année. Mais ces dispositions restent presque partout lettre morte. Car l’autorité royale, qui a imposé ce travail à la seule organisation sociale couvrant la totalité du territoire, la religion, n’est pas le seul chef des exécutants du terrain. Les curés des paroisses répondent aussi à leur propre hiérarchie, en la personne des évêques, pas forcément convaincu de l’intérêt de cette mesure. Mais peut-être s’agit-il tous simplement de cette inertie administrative qui est, avec d’autre particularités plus ou moins caricaturales, née bien avant Courteline et lui a survécu comme nous pouvons le constater presque quotidiennement.

    Quelques décennies plus tard, un des canons du concile de trente renforcera l’ordonnance sans beaucoup plus de succès sur le terrain. En 1579, l’ordonnance de Blois étend la portée des registres aux actes de mariage et sépulture. En 1667, l’ordonnance de saint Germain en Laye uniformise la rédaction des actes et impose la tenue des registres en double. L’un reste à la paroisse et l’autre est déposé au greffe du bailliage local.

    Nous en sommes là au moment où se déroulent les événements de ce billet. Mais la religion s’est livré à de tels abus que des pans entiers de la chrétienté font défaut à l’autorité papale. A l’intérieur même de l’église catholique les jansénistes contestent le pouvoir absolu de la monarchie de droit divin et prônent la réforme. Ces thèses trouvent un écho très favorable auprès des curés de villages, témoins des difficultés rencontrés par leurs ouailles et de l’extraordinaire décalage avec la magnificence de la vie à la cour de Versailles. Car le roi qui est à ce moment sur trône n’est autre que Louis XIV, le roi soleil. Bien sûr, celui-ci ne porte pas les janséniste dans son cœur et bien que ses relations avec la papauté n’est pas toujours été des plus des plus cordiales, il obtient du pape Clément XI qu’il fulmine en 1713 la bulle unigenitus qui condamne les thèses jansénistes. Cette condamnation est très mal vécue par une bonne partie de l'épiscopat français et, par mesure de rétorsion contre le pouvoir royal, les prêtres cessent de rédiger le double des registres paroissiaux.

    La révolution va séculariser la tenue des registres qui deviendront d’état civil. L’exemplaire en double détenu par l’autorité religieuse est versé aux archives départementales. Donc de 1715 à 1737, date à laquelle les curés de village reprendront la tenue du registre double, celui-ci manque dans beaucoup de départements.

    Les rares lecteurs qui n’ont pas oublié la question en lisant ces lignes connaissent donc la réponse. Les autres sont invités à une seconde lecture.

    Cette évocation du contexte historique et religieux éclaire d’un jour nouveau les événements d’un billet récent, intitulé « les noces mouvementées de Jacques Chéron et Geneviève Clichy ».

    En effet les protagonistes de ces événements, en ce qui concerne la rédaction des actes, sont d’une part les curés des villages d’Asnières sur Oise, Viarmes et Vilaines en France sans doute favorables aux thèses jansénistes puisqu’ils ont cessé pendant vingt ans de rédiger les actes en double et de l’autre les pénitents du couvent de Franconville établi près du château sur les terres de la paroisse de Saint Martin du Tertre qui appartiennent à l’ordre franciscain, opposé aux jansénistes.

    Cette guerre autour d’un mariage et les problèmes qui en découlent pour les généalogistes sont sans doute une péripétie de l’affrontement entre deux tendances dans le monde catholique.

    Conclusion en forme d’éloge de la laïcité et de conseils aux monarques dirigeant un état, qu’ils portent un turban ou une autre coiffe, au cas improbable ou ils liraient ces lignes : on a tout à gagner à éloigner de la conduite d’un état les questions de croyance qui n’ont rien à faire en dehors de la sphère privée, en particulier lorsqu'elles sont religieuses.


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  • On entend fréquemment certains de nos contemporains pester contre la vie trépidante que le monde moderne nous impose. Pourtant, il y a près de trois siècles, les événements qui rythmaient la vie familiale pouvaient s’enchainer à une vitesse qui n’a, à ma connaissance, guère d’équivalent aujourd’hui.

    Tout se passe entre le 13 et le 15 avril de l’an mil sept cent vingt deux. Afin de tenir le lecteur en haleine, en imitant à notre modeste niveau la technique utilisée par Quentin Tarantino dans Pulp Fiction,  nous allons commencer cette histoire par la fin.

    Le Curé de la paroisse de Saint Martin du Tertre, où se sont passés ces événements,  est un dénommé Lemaitre, celui dont le décès nous a valu l’épisode étonnant du mariage en trois temps de Jacques Chéron et Geneviève Clichy, conté dans un billet récent.

    En ce mois d'avril 1722, il est bien vivant et rédige l’acte que voici.

     Il était temps !

    Le 15e jour d’avril 1722 antoine agé d’un jour fils d’antoine

    levesque masson et marie anne prouin sa femme a été

    inhumé au cimetière de cette paroisse présent le père de

    l’enfant,  lequel a fait sa marque

    Il s’agit du décès d’Antoine Levesque, fils d’Antoine et de Marie Anne Prouain le 15 avril. Antoine est maçon comme son père et son grand père, ces maçons de trois générations se prénommant d‘ailleurs tous Antoine. Le père, qui est le neveu de Jeanne Cordel notre aïeule portant le numéro Sosa 645,  est présent à l’inhumation de son fils et, ne sachant signer, fait sa marque au bas de l’acte. L’acte précise que le défunt est âgé d’un jour, donc, même les moins perspicaces lecteurs auront compris que l’épisode précédent est daté du 14 du même mois et acte la naissance d’Antoine Levesque.

    Voici l’acte en question :

    Il était temps !

      

    Il était temps !

     

    le 14e jour d’avril 1722 antoine né ce jour et fils

    d’antoine levesque le  père masson, et de marie anne

    prouin sachin, sa femme a été bâtisé sous condition par moy

    curé soussigné ?? été ondoié a la maison en

    …..

    péril de mort par la sage femme de ce lieu le

    parrain a été antoine levesque l’ainé masson et

    la marraine marie anne sachin veuve d’antoine prouin

    laquelle a fait seulement sa marque

    Il s’agit donc bien de l’acte de naissance du malheureux Antoine Levesque, qui ne vivra qu’un jour. Il n’est peut être pas inutile de s’attarder sur la rédaction de cet acte qui contient quelques particularités révélatrices des mœurs de cette époque et, aussi, des embûches que le généalogiste trouve sur son chemin.

    L’orthographe, d’abord, avec ses variations qui ne posent dans ce cas guère de problème : masson pour maçon, bâtisé pour baptisé. Plus étonnant l’erreur, corrigée, sur le nom de famille de la mère de l’enfant défunt. Dans un premier temps le curé note sachin comme patronyme puis raye et note prouain. En fait prouain (ou prouin), est bien le nom de famille de la mère du malheureux Antoine, Sachin est celui de sa grand-mère maternelle, qui se trouve être aussi sa marraine. Il faut dire que pour corser un peu l’affaire, cette Marie Anne Sachin a épousé Antoine Prouain, ce qui fait un Antoine de plus dans l’ascendance du défunt. Pourtant, la situation pourrait être pire car l’erreur a été corrigée, ce qui est loin d’être toujours le cas ! Les généalogistes sont friands de ces actes où les liens de parentés des présents sont mentionnés, car ces mentions permettent parfois de combler des lacunes. Imaginez maintenant les abîmes de réflexions dans lesquelles  plonge l’infortuné chercheur, lorsque, à cause d’une erreur dans un acte, les pièces du puzzle ne s’assemblent plus.

    Autre particularité, ce baptême sous condition et cet ondoiement pour péril de mort.

    Les progrès de la médecine qui se sont traduit par une augmentation spectaculaire de l’espérance de vie sont en fait très récents et, au XVIII eme siècle, on mourrait plutôt jeune. Les nourrissons étaient des proies faciles pour la grande faucheuse. Dans ce contexte très dur, la religion, avec sa promesse d’une vie future était, et est toujours pour les croyants, un secours capital. Or, le dogme est tout à fait clair sur la question, seul les baptisés sont éligibles au paradis, les nourrissons défunts, vierges de péchés personnels portent pourtant en eux le péché originel (vous savez, Adam, Eve et la pomme) dont seul le baptême peut les laver. Les familles étaient donc terrorisées à l’idée qu’un nouveau né décède avant d’avoir été baptisé, car cela le condamnait à errer, éternellement, dans les limbes, mystérieuse région qui n’est ni paradis, ni enfer ni purgatoire. Or comme nous le savons, la mortalité infantile faisait des ravages et le curé n’était généralement pas présent lors de l’accouchement pour procéder au baptême. Pour épargner aux innocents l’errance éternelle, n’importe quel être humain, à condition toutefois d’être lui-même baptisé, peut baptiser un nouveau né, en cas de péril de mort, ce qui s’appelle l’ondoiement. Il suffit de verser un peu d’eau sur le front de l’enfant en prononçant les paroles « je te baptise au nom du Père, du Fils et du  Saint Esprit ». C’est généralement la sage femme, formée par le curé à cette tache qui se chargeait d’ondoyer les nouveaux nés.

    Mais l’affaire est encore plus subtile, car on ne peut être baptisé qu’une fois et l’ondoiement n’évite que l’errance dans les limbes au défunt, il ne lui donne ni parrain ni marraine, ce qui pose problème au cas où il survit.

    D’où le baptême « sous condition », réalisé plus tard par le curé. La condition signifie «  au cas où l’ondoiement n’aurait pas été réalisé conformément à la règle ». Par exemple si la formule «  je te baptise au nom… » n’a pas été exactement prononcée, ou si l’eau a été versée sur les cheveux plutôt que sur le front. Pour en finir avec cette question qui révèle l’infinie détresse dans laquelle étaient plongées les familles dans ces situations de perte d’un être chéri, seul les nourrissons vivants pouvaient êtres ondoyés. Les enfants mort-nés étaient exclus et on rapporte des cas où l’assemblée recherchait désespérément un souffle du petit corps pour procéder à l’ondoiement.

    Cette longue digression ne doit pas nous faire oublier que cette histoire n’est pas terminée. Il nous reste un acte à découvrir. Il est daté du 13 avril 1722. D’où un nouveau concours proposé aux lecteurs de cette prose. Que contient cet acte ?

    Réponse dans une semaine avec une médaille au premier qui donnera la bonne réponse.

    Comme noël approche, un petit cadeau s’impose. Il se cache, quelque part dans ce billet, sous la forme d’un indice qui doit vous mettre sur la voie pour trouver la solution.

    Inutile d’aller fouiner sur le site des archives du Val d’Oise pour consulter le registre où se trouve la réponse. Il n’y a rien pour cette période et le seul endroit où vous pouvez trouver la réponse est en mairie de Saint Martin du Tertre, où est conservé l’unique exemplaire de ce registre. Question subsidiaire, pour départager les gagnants, pourquoi ces informations ne sont elles pas accessibles sur le site des archives départementales du Val d’Oise ?

    Bon courage à tous ! 


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