• Le billet précédent, nommé "cap au sud (I)", nous avait amené à la septième génération des aïeux de notre Sosa numéro 1. Dans la branche qui nous occupe, nous avions donc quatre mariages :

    Jean Lati [72] et Marie Honorade Hugues [73], puis Barthelemy Hugues [74] et Marie Cresp [75], ensuite Jean Pierre Brignolles [76] et Marie Chaudol [77] et enfin Antoine Roux [78] et Françoise Chabert [79]. 

    Il va falloir maintenant nous intéresser à la naissance de ces huit personnes puis au mariage de leur parents. Le volume de la tache est loin d'être négligeable. Elle risque aussi d'être plus périlleuse puisque, en passant de l'état civil post révolutionnaire au registres paroissiaux, on gagne rarement en facilité de lecture et d'analyse. Mais la recherche n'en n'est que plus passionnante. Je rappellerai aux plus novices de mes lecteurs, pour qu'ils aient conscience de l'ampleur d'une étude généalogique familiale, que le travail exposé ici ne concerne, pour le moment, qu'un huitième de la branche paternelle de notre Sosa n°1.

    Commençons donc par Jean Lati [72]. Il est né à Châteauneuf-Grasse le 27 octobre 1765. Marie Honorade Hugues [73], son épouse, est née au Rouret le 6 mars 1784.

    Barthelemy Hugues [74] est né à Châteauneuf-Grasse le 17 frimaire de l'an III de la république, ce qui correspond au 6 décembre 1794 du calendrier grégorien. L'épouse de Barthelemy, Marie Cresp [75] est née aussi à Châteauneuf-Grasse le 8 nivose de l'an IV ou le 29 décembre 1795.

    Jean Pierre Brignolles [76] est né Châteauneuf-Grasse le 15 février 1814 et Marie Chaudol [77], son épouse est née à Roquefort les pins le 28 novembre 1817. Cette date a été relevée sur l'acte de son mariage avec Jean Pierre Brignolles. A l'heure où j'écris ces lignes, l'acte de naissance de Marie Chaudol n'est pas accessible sur le site internet des archives départementales des Alpes maritimes.

    Antoine Roux [78] est né au Rouret le 3 février 1804 et son épouse Françoise Chabert [79] à Coursegoules le 3 mars 1808. Tout comme celui de Marie Chaudol,  l'acte de naissance de Françoise Chabert n'est pas accessible sur le site internet des archives départementales des Alpes maritimes la date a été relevée sur son acte de mariage.

    Les parents de Jean Lati [72] sont Bathelemi Lati [144] et Anne Roumiou [145] ils se sont mariés à Châteauneuf-Grasse le 2 mai 1757. Ceux de Marie Honorade Hugues [73] sont Guillaume Hugues [146] et Marie Hugues [147] leur mariage a été célébré à Opio le 23 avril 1777. Les actes que je vous ai proposé depuis le début de cette histoire m'ont paru être relativement lisibles. J’espère qu'il en a été de même pour vous. Je m'adresse bien sûr à ceux qui ont pris la peine de cliquer sur les liens qui permettent d’accéder à ces actes! Pour l'acte de mariage entre Guillaume Hugues et Marie Hugues, nous avons une écriture plus hermétique. Je vous propose donc l'acte et sa transcription :

     

    Cap au sud (II), ça ce complique

     

     l'an mil sept cent septante sept

    et le vingt et trois avril après trois

    publications faites à la messe de paroisse

    pendant trois dimanches consécutifs

    ayant obtenu dispense du quatrième degré

    de parenté de mr l’évêque de Grasse

    le onze avril ne nous ayant 

    apparu aucun empêchement légitime

    vu l'attestation de mr ? curé

    de Chateauneuf nous avons donné la

    bénédiction nuptiale à guillaume hugues

    fils de joseph travailleur et  de marguerite

    giraud de la paroisse de chateauneuf

    âgé d'environ vingt an et autorisé par

    son père et à marie hugues fille d'etienne

    travailleur et de lucrèce galian notre

    paroissienne âgée d'environ vingt ans et 

    autorisée par son père et ce en

    présence de jean antoine carvalan

    négiocant, honoré joseph augier ménager

    de jean joseph augier fils de jean de

    sr barthelemy carvalan négociant. signe 

    qui a su.

    Les parents de Barthelemy Hugues [74] sont Jean François Hugues [148] et Anne Marie Lati [149]. Leur mariage a été célébré le 13 ventôse de l'an II ou 3 mars 1794 à Châteauneuf-Grasse. Voici l'acte de ce mariage :

    Cap au sud (II), ça ce complique

     

    Cap au sud (II), ça ce complique

     Cap au sud (II), ça ce complique

    Le treize ventôse l'an second de la république

    française une et indivisible. dans la salle

    de la maison commune par devant nous

    officier public de la commune de

    Châteauneuf. Des soussignés se

    seraient présentés pour être unis en

    mariage le citoyen jean françois hugues

    fils à feu joseph travailleur et de la citoyenne

    marguerite giraud âgé de vingt huit ans

    d'une part avec la citoyenne anne marie latty

    fille du citoyen barthelemy latty travailleur

    et de la citoyenne anne roumiou tous de 

    cette commune, lesquels après publication

    et affiche sur la porte extérieure de la

    maison commune ?? la section du

    domicile du conjoint le dix de ce mois

    sans qu'il ne soit apparu aucune

    opposition ni empêchement et ensuite

    le consentement donné par les parents le

    citoyen jean françois hugues et la citoyenne

    anne marie latty ont déclaré à haute

    et intelligible voix, savoir le citoyen hugues

    prendre la citoyenne latty en mariage

    et la citoyenne latty prendre le citoyen hugues et

    ensuite nous officier public en conformité

    à la loi du vingt septembre mil sept

    cent quatre vingt douze avons prononcé

    au nom de la loi que le citoyen hugues

    et la citoyenne latty sont unis par le mariage

    le tout fait et prononcé dans la salle de

    maison commune en présence des citoyens

    pierre antoine besson ménager, cyprien laurent

    ?? ?? ?? ?? ?? jacques bertrand et lazare foucard

    Vient ensuite Marie Cresp [75] dont les parents sont Antoine Cresp [150] et Marie Anne Giraud [151].

    Leur mariage a été célébré à Châteauneuf le 14 mai 1792.

    Cap au sud (II), ça ce complique

     

    l'an mil sept cent quatre vingt douze et le quatorze mai après la

    publication de trois bans faite aux messes paroissiales de cette église par trois

    dimanches consécutif; savoir le vingt neuf du mois d'avril dernier, le six et le

    treize du présent mois sans qu'il se soit découvert aucun empêchement

    canonique ou civi, je soussigné curé de cette paroisse ay reçu en cette église

    le mutuel consentement de mariage par parole de présent et j'ay donné

    la bénédiction nuptiale, avec les cérémonies prescrites par l'église à antoine

    cresp âgé d'environ vingt quatre ans, fils de pierre manéger et de marie

    rainard d'une part et à marie anne giraud âgée d'environ size ans,

    fille de jean françois ménager; et d'anne hugues tous de cette paroisse

    d'autre part; assistés l'un et l'autre de leur père et mère respectifs ci-

    dessus nommés et en outre se sieur marc antoine besson bourgeois, de

    françois arnaud tisserand, de christophe raibaud fils d'honoré ménager et

    de jean baptiste giraud fils de sebastien ménager tous temoins requis de ce

    lieu qui ont signé avec nous; ainsi que le père de l'épouse .les parties

    contractantes, les père et mère de l'époux et la mère de l'épouse

    ont déclaré ne savoir signer de ce interpellés.

    Les parents de Jean Pierre Brignolles [76] sont Jean joseph Brignolles [152] et marie Anne Hugues [153] qui se sont mariés à Châteauneuf le 26 avril 1809.

    les parent de Marie Chaudol [77] sont Jean Joseph Chaudol [154] et Marie Catherine Trastour [155] dont le mariage a été célébré à Roquefort les pins le premier juin 1815.

    Le couple suivant, avant dernier de la série que nous avons à étudier pose un problème.

    Les parents d'Antoine Roux [78] sont bien cités dans son acte de mariage avec Françoise Chabert [79]. Il s'agit de Jean Roux [156] et Marie Catherine Roux [157]. Selon les informations recueillies sur plusieurs arbres publiés sur geneanet, leur mariage aurait été célébré au Rouret le 27 mai 1794. Mes recherches pour retrouver cet acte sont restées vaines. La commune du Rouret a été créée en 1793. Il semble qu'auparavant, ce lieu était un quartier de Châteauneuf-Grasse. Sur le site internet des archives départementales des Alpes Maritimes, le premier registre concernant le Rouret date de 1767. Sur la première page on trouve la mention suivante :

    Cap au sud (II), ça ce complique

     

     registre des baptêmes

    et sépultures de l'église

    succursale de Bergiers

    dans le terroir de châteauneuf

    pour la présente année

    1767 dont l'établissement

    a été nouvellement fait

    Bergiers, le nom mentionné dans ce texte est un lieu-dit qu'on trouve effectivement sur les cartes, sur le territoire actuel du Rouret. Le premier acte de ce registre est daté du 24 avril 1767. A la suite de cette année on trouve les actes rédigés jusqu'en 1792. Avant 1770, on ne trouve sur ces pages que des baptêmes et sépultures. Peut-être que les mariages des habitants de cette succursale étaient célébrés à Châteauneuf.

    Le dernier acte du registre est daté du 24 décembre 1792.

    On trouve ensuite aux archives départementales un registre d'état civil qui couvre la période 1799 (14 Nivose an VII) à 1842.  Il y a donc une lacune entre 1793 et 1798. Et c'est précisément pendant cette période que se trouve le mariage entre Jean Roux [156] et Marie Catherine Roux [157].

    J'ai lancé plusieurs bouteilles à la mer, avec un peu de chance l'une d'entre elle portera la question de ce mariage jusqu’a un généalogiste qui connait la réponse.

    le dernier mariage de notre génération VIII pour cette branche est celui des parents de Françoise Chabert [79]. Il s'agit d'honoré Chabert [158] et d'Anne Pons [159] qui se sont mariés à Cipières le 30 juillet 1786. Voici leur acte de mariage:

    Cap au sud (II), ça ce complique

    honoré chabert âgé d'environ trente trois ans fils de

    christophe maître tailleur d'habits et magdelaine isnard de la

    paroisse de Coursegoules diocèse de vence et anne ponsâgée d'environ

    vingt ans fille d'etienne ménager et de marguerite martin de

    cette paroisse après les trois publications des bans aux messes

    paroissiales vu le certificat des dites publications de mr ?

    curé de la paroisse de coursegoules en date du premier du

    mois de juillet sans qu'il nous soit apparu aucun empêchement

    canonique ou civil ont contracté mariage aux formes du 

    saint concile de trente le 7 juillet mil sept cent quatre

    vingt six en présence de leurs parents qui ont signé et 

    sr claude vial bourgeois, clement martin bourgeois

    jean joseph tourbarel fils de feu honoré et andré giranud

    maréchal ferrant témoins qui ont signé avec nous. le dit honoré

    chabert et la dite anne pons ont déclaré ne savoir

    signer de ce enquis.

    Nous en avons terminé avec cette huitième génération. La suite viendra dans un futur billet.

    Amis lecteurs, je vous suggère de mettre à profit l'attente de cette suite pour étudier soigneusement les actes que contient le texte que vous avez sous les yeux. En effet, s'y cache une de ces particularités qui font tout le charme des recherches généalogiques. 

    la première bonne réponse sera richement primée, comme d'habitude.

    Enfin, un petit retour sur le billet précédent, cap au sud (I), dans lequel j'ai ajouté deux photos que ma ma sœur vient de m'envoyer.

      

     

     

     


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  • Billet édité le 9 novembre 2017 (adjonction de photos).

    Soyez les bienvenus dans ce nouveau chantier généalogique. Au début, comme presque à chaque fois, la recherche est simple, merci à l'état-civil républicain, et la succession des actes mariage et de naissance, dont le nombre grandit de façon géométrique au fil des générations, apparaît assez laborieuse. Mais rassurez vous, il ne fait pas de doute que des situations plus ou moins alambiquées vont rapidement pimenter ce récit.

    Pour assister le lecteur dans les méandres de cette généalogie, j’ai choisi comme « de-cujus », la fille de ma sœur, c’est donc elle qui porte le n° Sosa 1 (ce n° pourrait bien sûr être donné à un de ses deux frères sans que cela change quoi que ce soit au texte). Les numéros Sosa des ascendants sont notés entre crochet, à la suite de leur patronyme.

    Cap au sud (I)

    C’est avec Joséphine Elisabeth Laty [9], la grand-mère paternelle de l’époux de ma sœur, que nous commencerons.

    Elle est née au Rouret, village situé sur la route qui relie Grasse et Nice, le 7 janvier 1896.

    La photo ci-contre nous montre Joséphine Laty [9] en compagnie de son époux, Pierre Carrara [8]. Photo prise de toute évidence en studio, peut-être chez le photographe à l'occasion de leur mariage

     

     

     

    Pour alléger ce billet, j’ai décidé de ne pas inclure dans le texte les actes qui vont être fort nombreux, au moins tant que leur lecture ne pose pas de problème particulier. Mais en cliquant dans le texte sur les dates, vous pouvez accéder à une copie de chacun de ces actes.

    Joséphine Elisabeth Laty [9] est la fille de Jean Laty [18] et de Marie Jeanne Brignolles [19] dont le mariage a été célébré le 17 octobre 1895, au Rouret.

    Cap au sud (I)

    Jean Laty [18] est né, au Rouret, le 4 mars 1863. Son épouse Marie Jeanne Brignolles [19] est aussi née au Rouret, le 8 mars 1870. Le couple a été pris en photo vers 1936, dans le jardin de la maison familiale au Rouret.

    Les parents de Jean Laty [18] sont François Laty [36] et Elisabeth Hugues [37] ils se sont mariés au Rouret, le 21 janvier 1851.

    C’est aussi au Rouret que Jean Joseph Brignolles [38] et Marie Marguerite Roux [39], les parent de Marie Jeanne Brignolles, se sont mariés, le 3 octobre 1865.

    Ces deux couples [36]x[37] et [38]x[39] appartiennent à la génération VI de notre Sosa 1.

    Vous pouvez bien entendu retrouver tout ceci sur l’arbre familial posté sur Geneanet.

    Pour ceux des lecteurs qui ne sont pas suffisamment motivés pour aller sur Geneanet, voici un extrait de l’arbre qui récapitule la situation à la génération VI.

    Cap au sud (I)

    On y voit qu’en amont de la génération IV, seule la branche féminine a été développée. Il y a donc encore du pain sur la planche

    Reprenons notre remontée dans le temps, comme toujours dans l'ordre croissant des n° Sosa.

    François Laty [36] est né à Châteauneuf-Grasse le 11 mars 1810, son épouse, Elisabeth Hugues [37] est née le 2 octobre 1829, elle aussi à Châteauneuf-Grasse. Il y a donc un écart d'âge de 19 ans entre les deux époux. D'ailleurs, si vous avez lu avec attention leur acte de mariage, vous avez sans doute remarqué que François Laty [36] est veuf. Ceci n' a rien de bien extraordinaire, car l’espérance de vie n'était pas au XIXème siècle ce quelle est aujourd'hui, on mourrait souvent jeune et les remariages étaient très fréquents. Ce qui est plus remarquable, vous l'avez peut-être noté, toujours sur l'acte de mariage, c'est que le nom de sa première épouse est Marie Hugues, qui n'est autre que la sœur d'Elisabeth, la seconde épouse. Ce premier mariage a été célébré 21 décembre 1843, au Rouret. Une fille, Marie, est d'ailleurs née de ce premier mariage, le 24 mars 1845. J'ignore s'il existe un nom pour qualifier la relation entre Marie Laty et Jean Laty [18]. Il ne sont pas tout à fait frère et sœur, mais pourtant un peu plus que des demi frères et sœur. la première épouse de François Laty [36] est décédée le 3 septembre 1849, au Rouret. Elle n'était âgée que de 25 ans.

    Jean Joseph Brignolles [38] est né à Roquefort les pins le 2 septembre 1842, Marie Marguerite Roux, son épouse, est née au Rouret le 23 mars 1845.

    Il est temps de s’intéresser à la génération VII et aux quatre mariages qui concerne la branche que nous étudions :

    Les parents de François Laty [36] sont Jean Lati [72] et Marie Honorade Hugues [73]. Vous noterez la variation d'orthographe, Laty devenant Lati.  Le mariage a été célébré à Châteauneuf-Grasse le 25 octobre 1806.

    Les parents d'Elisabeth Hugues [37] sont Barthelemy Hugues [74] et Marie Cresp [75], ils se sont mariés à Châteauneuf-Grasse le 8 juillet 1822.

    Du coté maternel, les parents de Jean Joseph Brignolles [38] sont Jean Pierre Brignolles [76] et Marie Chaudol [77], dont le nom est parfois orthographié Chaude. Leur mariage a été célébré à Roquefort les pins le 9 janvier 1841.

    Enfin, les parents de Marie Marguerite Roux [39] sont Antoine Roux [78] et Françoise Chabert [79], ils se sont mariés à Coursegoules le 23 juin 1842.

    Voici à quoi ressemble l'arbre à cette génération :

    Cap au sud (I)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Pour éviter de vous lasser ou d'abuser de votre patience, la suite de cette recherche fera l'objet d'un prochain billet


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  • Les registres paroissiaux et d’état civil ne donnent que peu d’informations sur le quotidien de nos aïeux, la profession est parfois mentionnée, mais c’est à peu près tout. Le billet du jour nous donne la chance de découvrir un épisode de la vie d’un ascendant direct, qui porte le n° Sosa 322 dans l’arbre généalogique familial.

    Mais cette histoire ne sera pas contée sans que soit remerciée une passionnée d’histoire et de généalogie, Gwenaëlle Bazin. C’est en effet elle qui m’a fourni la matière première du billet dont vous parcourez les lignes. Elle prépare un ouvrage sur Hyacinthe Louis, marquis de Pellevé, un noble qui fit partie de la cour de Louis XV. En exploitant les ressources du minutier des notaires de Paris, elle est tombée sur un document citant, dans le cadre d’un litige avec le marquis de Fresnoy, un de mes aïeux, Jean Baptiste Levesque, plâtrier à Saint Martin du Tertre, dans le Val d’Oise. Et, connaissant cette filiation grâce à geneanet, un des principaux sites de partage généalogique en France, elle m’a informé de sa découverte puis m’a gentiment communiqué une photographie du document en question.

    Avant de nous intéresser à ce document, il me parait judicieux de vous présenter les acteurs de cette affaire.  

    Essayons tout d’abord de cerner qui est jean Baptiste Levesque, le protagoniste familial de cette histoire. Il est né en 1695, sous le règne de Louis XIV. Il est le troisième né d’une famille de neuf enfants. Selon les actes dans lesquels il est cité, il a exercé les professions de laboureur, plâtrier et marchand plâtrier.  La différence entre le plâtrier et le marchand plâtrier est que le premier est un simple ouvrier et le second le patron de son entreprise. Le cursus professionnel de son père, Jean Louis Levesque ressemble beaucoup au sien, laboureur, marchand plâtrier puis marchand de bois, profession qu’exerçait le grand-père de Jean Baptiste, lui aussi prénommé Louis. Mais Jean Baptiste ne deviendra pas marchand de bois, son propre acte de décès, en 1747, précise qu’il était laboureur et l’acte de décès de son épouse, douze ans après celui de son époux, précise qu’elle est la veuve d’un laboureur et plâtrier. Il est bien difficile de dire si Jean Baptiste a exercé ces professions simultanément ou s’il a changé de métier au cours de sa vie. La famille, qui vit à Saint Martin du Tertre appartient sans doute à la petite bourgeoisie. Jean Baptiste a eu douze enfants C’est par Marie Anne Catherine, sa fille, que je suis lié à Jean Baptiste Levesque. En effet elle épousera Charles Breton, patronyme qui est aussi celui de ma grand-mère paternelle, ce qui signifie que de la génération huit à la génération trois, c’est par les mâles que nous cheminerons dans l’arbre généalogique familial.

    Voici les actes de décès de Jean Baptiste Levesque et de son épouse, Marguerite Dupuis.

    Le marquis et le plâtrier

     

    l’an mil sept cent quarante-sept le premier janvier jean

    baptiste levesque laboureur âgé de cinquante-deux ans

    environ décédé le jour d’hier après avoir reçu les derniers

    sacrement a été inhumé par nous curé soussigné dans le

    cmetière en présence de marguerite dupuis sa femme de

    jean baptiste levesque son fils soussigné, de nicolas vivant

    de nicolas vivant son beau-frère soussigné et autres

    ladite marguerite dupuis a déclaré ne savoir ni écrire ni

    signer de ce interpellée a fait sa marque approuvée la

    rature de trois mots

     

    Le marquis et le plâtrier

      

    L’an mil sept cent soixante le vendredi quatorzième jour

    du mois de mars le corps de Marguerite Dupuis, femme

    de défunt Jean Baptiste Levesque vivant laboureur et

    platrier  décédée le jour d’hier en cette paroisse âgée de

    soixante huit ans ou environ munie des sacrements de

    l’église, a été inhumée dans le cimetière de cette paroisse

    par moi curé soussigné en présence de Jean Baptiste

    Levesque son fils de François Riché Laboureur de

    Charles Breton marchand épicier ses deux gendres

    tous de cette paroisse qui ont signé avec nous

    Il est temps maintenant de nous intéresser à l’adversaire de Jean Baptiste Levesque, le marquis de Fresnoy.

    Le titre de marquis de Fresnoy fut accordé en 1652, par Louis XIV, à Henry de Fresnoy, pour grands services rendus. Ce marquisat porte sur une terre possédée par Henry de Fresnoy qui porte aujourd’hui le nom de commune de Fresnoy en Thelle, au sud du département de l’Oise, à une quinzaine de kilomètres de Saint Martin du Tertre. François, le fils de Henry de Fresnoy, céda en 1675 le titre à son oncle Achille Léonor. Le fils de celui-ci, Nicolas, devint ensuite le marquis de Fresnoy. Vint ensuite Jean-Baptiste, fils de Nicolas qui eut donc maille à partir avec notre plâtrier. Jean Baptiste a épousé Marie Anne des Chiens de la Neuville. Il est décédé en 1747, tout comme l’autre Jean Baptiste, le plâtrier. La carte Cassini de la région, tracée dans la seconde moitié du XVIIIème siècle montre, sur le territoire de Fresnel en Thelle le château de Fresnoy.

     

    Le marquis et le plâtrier

     

    Au fil du temps, Fresnel en Thelle est devenue Fresnoy en Thelle. Le château, propriété de notre marquis, où il a peut-être vécu, existe toujours, il se nomme désormais château de Lamberval, du nom du lieu-dit où il est situé. Ses propriétaires actuels y ont installé des gîtes et chambres d’hôtes. Voici une carte postale qui représente le château de Lamberval. Non datée, comme le sont malheureusement les cartes postales, on peut penser qu’elle est de la permière moitié du XXème siècle.

    Le marquis et le plâtrier

     

    Le château d’aujourd’hui n’est guère différent de celui de la carte postale, mais sans doute beaucoup plus de celui de l’époque qui nous intéresse. En effet, selon le site internet du gîte qui occupe le château, celui-ci a été reconstruit au début du XIXème siècle.

    Maintenant que le décor est planté et les personnages ont été présentés, il est temps de découvrir ce qui a valu à nos deux Jean Baptiste, le marquis et le plâtrier, de voir leur nom cohabiter dans les minutes d’un notaire parisien.

    Voici donc un fac-similé du document. Comme les notaires méritent leur réputation d’écrire encore plus mal que les curés, je ne vous en voudrais pas de passer directement à la transcription qui suit, elle aussi fournie par Gwenaëlle Bazin.

    Le marquis et le plâtrier

      

    Le marquis et le plâtrier

      

    Le marquis et le plâtrier

      

    Remboursement de Messire Jean Baptiste Marquis de Fresnoy et son épouse à divers créanciers d'une somme totale de 954 livres 10 sols à eux due et faisant patrie de l'emprunt de 120.000 livres fait à Messire Hyacinthe Louis de Pellevé – 2 janvier 1734

      

    Fut present Me Jean Baptiste DES ESSARTS avocat au Parlement

    demeurant Rue de Gaillon parroisse Saint Roch au nom et comme

    procureur du sieur Bruno RIVIE, lieutenant au regiment d'Estaing

    Infanterie Pierre DESMOREAU, marchand au Menil St DenisJean Baptiste

    L'Evesque, me plastrier a St Martin du Tartre Laurent Jacques DUPUIS,

    masson a Beaumont sur Oise Claude LAMOUCHE, masson a Neuilly

    en Telle et Jacques LEMERCIER menuisier aud Menil St Denis

    fondé des procurations passées scavoir celle du sieur RIVIER par devant

    Me DEVISIGNY et son confrere notaires a Paris sans minutte

     

    le 12 octobre dernier, demeuré annexé a ces presentes, celle dud DESMOREAUX par devant François et

    Claude PIGORY notaires royaux au bailliage, ville et comté dud

    Beaumont sur Oise le 22 novembre dernier controllée ce

    meme jour, et celle dud LEVESQUE, DUPUIS, LAMOUCHE et LEMERCIER par devant

    lesd notaires de Beaumont sur Oise le 7 decembre dernier controllée le neuf

    du meme mois, les originaux desquelles deux procurations

    ont eté pareillement annexées aux presentes apres avoir eté certifiées

    veritables par le sieur DES ESSARTS paraphé de luy et des notaires souss(ignés),

    lequel a reconnu et confessé avoir reçu de haut et puissant seigneur

    Messire Jean Baptiste Marquis DE FRESNOY chevalier seigneur d'Arcuy,

    le Mesnen, Coulombier, de Persan et autres lieux, demeurant susd

    rue de Gaillon parroisse Saint Roch pour ce present qui a aud sieur

    DES ESSARS aud nom payé, compté et reellement delivré presens les

    notaires soussignez en louis d'argent et monnoye ayans cours la

    somme de neuf cent cinquante-quatre livres dix sols, scavoir deux

    cent livres dus aud sieur RIVIE par billet dud Seigneur du quatre aout

    mil sept cent trente-trois, aud DESMOREAU deux cent trente-huit livres dix sols

    portée au billet dud Seigneur du quatre septembre dernier et

    cinq cent seize livres dus auxd MERCIER, LAMOUCHE, LEVESQUE et

    DUPUIS suivant le billet dud Seigneur fait a leur profit en datte

    du quatre septembre dernier, de laquelle somme de neuf cent

    cinquante quatre livres dix sols led sieur DES ESSARTS aud nom

    se contente et en quitte led Seigneur Marquis DE FRESNOY auquel il a

    rendu les originaux desd trois billets sur lesquels et autres pieces

     

    que besoin sera led sieur DES ESSARTS a consenti mention des presentes

    etre faites par tous notaires de ce requis sans que la presence soit

    necessaire et a led sieur DES ESSARTS aud nom fait et donné pleine et

    entiere main levée et toutes les saisies, arrets et opositions faittes a la

    requete des creanciers susnommez consent qu'elles soient et demeurent

    nulles comme non faittes. Laquelle somme de neuf cent cinquante

    -quatre livres 10 sols led Seigneur Marquis DE FRESNOY a declaré

    provenir et faire partie de celle de six vingtlivres que luy

    et haute et puissante dame Dame Marie Anne DESCHIENS

    DE LA NEUVILLE son epouse ont empruntée de haut et puissant

    Seigneur Messire Hyacinthe Louis Marquis DE PELLEVE chevalier

    seigneur Comte de Flers baron de Larchant et autres lieux

    auquel lesd Seigneur et Dame en ont solidairement constitué six

    mille livres de rente par contrat passé par devant Me

    DE SAVIGNY l'un des notaires souss(ignés) et son confrere le vingt cinq

    septembre dernier au desir duquel led Seigneur DE FRESNOY fait

    la presente declaration afin que led Seigneur Marquis DE PELLEVE

    soit et demeure subrogé aux lieu et place des droits et actions des

    creanciers susnommez, laquelle subrogation led sieur DES ESSARTS a fait

    et consenti sans neantmoins aucune garantie restitution de deniers

    ny revenus quelconques. Promettant, obligeant, renonceant, fait

    et passé a Paris es etude l'an mil sept cent trente-quatre le deux

    janvier avant midy et ont signé

    Signatures

    FRESNOY

    DES ESSARTS

     BOUET

     DE SAVIGNY

    Il semble bien que notre marquis ait pris la mauvaise habitude de ne pas régler ses factures. Il a apparemment fait travailler, sans les payer, des artisans de la région : Jacques Lemercier ou Mercier, menuisier au Mesnil Saint Denis, Claude Lamouche, maçon à Neuilly en Thelle, Laurent Jacques Dupuis, maçon à Beaumont sur Oise et, donc, Jean Baptiste Levesque, plâtrier à Saint Martin du Tertre. Toutes ces localités sont situées à proximité de Fresnoy en Thelle, où se trouve le château du marquis, comme nous l’avons vu plus haut. La dette auprès de ces quatre artisans se monte à cinq cent seize livres. Ils se sont apparemment mis d’accord pour réclamer collectivement leur dû auprès de leur débiteur. Il ne s’agit là que d’une toute petite partie de la dette globale du marquis puisque celui-ci a dû emprunter cent vingt mille livres pour y faire face. Le texte exact est six vingt mille livres, ce qui revient au même et devait être la coutume en ces temps, un peu comme on dit aujourd’hui quatre-vingt plutôt qu’octante.

    Mais que représente exactement cette dette ? La livre Tournois, en usage sous Louis XV valait 0,31 grammes d’or. Le cours l’or aujourd’hui étant 34€ le gramme, on pourrait dire qu’une livre vaudrait entre 10 et 11 euros. Mais la valeur de l’or obéit à bien des critères et, suivant les aléas de la politique internationale, sert de valeur refuge, ainsi l’or ne valait en 2000 que le quart de ce qu’il vaut aujourd’hui !  L’estimation du pouvoir d’achat de la monnaie, autre méthode pour évaluer ce que serait aujourd’hui la dette du marquis, est aussi plutôt aléatoire, tant les habitudes de consommation ont évolué. Le site histoirepassion.eu nous indique qu’une ménagère a payé une douzaine d’œufs 0,30 livre en 1778. La douzaine d’œufs vaut aujourd’hui à peu près 3€. Avec cette méthode, la livre vaudrait 10€. C’est sans doute un hasard, on tombe presque sur le même chiffre qu’avec l’autre méthode ! Il est dommage que nous ne connaissions pas la nature des travaux réalisés par nos malheureux artisans, cela aurait sans doute permit une meilleure évaluation.

    Toutes ces précautions étant prises, nous allons conclure que nos quatre artisans vont se partager l’équivalent en livres d’environ 5000€. La dette totale du marquis dépasse quant à elle largement le million d’euros. Pour Jean Baptiste Levesque et ses compères artisans, l’histoire se termine donc bien. La reconnaissance de dette a été signée par le marquis le quatre septembre 1733 et ils sont donc payé le deux janvier 1734, trois mois plus tard. Mais il s’agit d’un arrangement amiable, le texte évoque la main levée des saisies, arrêts et opposition faites par les créanciers. Gageons que sans la « générosité » du marquis de Pellevé, notre aïeul aurait dû attendre bien plus longtemps que justice lui soit rendue.

    Le plus étonnant de toute cette histoire et que le marquis de Fresnoy, qui s’est révélé incapable de gérer ses affaires et de payer ses fournisseurs, a pourtant trouvé une bonne âme pour lui prêter une somme considérable pour renflouer ses comptes. Selon Gwenaëlle Bazin, le prêteur en question, Hyacinthe Louis, marquis de Pellevé, a la réputation d’être un bon gestionnaire et on se demande bien quel genre de garantie il a obtenu du marquis pour s’engager ainsi.

    Peut-être trouverons nous la réponse dans l’ouvrage que rédige actuellement mon informatrice.


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  • Je mentionnais dans un billet récent consacré à Jean Langlois qu’il n’était pas rare de trouver dans les registres paroissiaux trace de malheureux réduits à la mendicité. Je ne croyais pas si bien dire puisque, à peine un an après le décès de Jean Langlois, un autre mendiant trouve la mort à Viarmes.

    Les circonstances de sa mort ne sont certes pas aussi romanesques que celles de Jean Langlois, mais Félix Quidort, dont il est question dans ce billet, mérite néanmoins qu’on évoque son triste sort.

     Mort d'un autre mendiant

    L’an mil sept cent cinquante-neuf le mercredi dix-septième

    jour de janvier, le corps de Felix Quidor vivant mendiant

    âgé de quatre-vingt-deux ans ou environ, décédé du jour d’hier

    dudit mois et an, en la maison de Nicolas Quenet, cribleur de blé

    demeurant en cette paroisse a été inhumé dans le cimetière

    de ce lieu par moi prêtre curé de cette paroisse soussigné

    en présence dudit Nicolas Quenet et de Charles Durand, clerc

    de cette église témoins qui ont signé.

    Nous ne connaissons pas l’acte de baptême de Félix Quidort. Peut-être n’est-il pas né à Viarmes. L’âge donné dans l’acte de décès permet de situer sa naissance vers 1677. Sa filiation est pratiquement certaine puisque qu’il est mentionné dans l’acte de décès de Claude Quidort, en 1698, comme frère du défunt. Il est aussi cité comme fils de défunt Félix Quidort dans un acte de baptême que nous verrons plus tard.

    Mort d'un autre mendiant

    Félix serait donc le benjamin de la famille, sa sœur ainée Jeanne est morte à 25 ans après trois ans de mariage et un an à peine après la naissance de son seul enfant, lui aussi décédé le lendemain de sa naissance. Claude, son frère, le cadet de la famille est décédé en 1698, comme nous l’avons vu plus haut. Il n’avait que 24 ans. Quant à ses parents, Félix Quidort et Jeanne Hude, ils sont morts depuis bien longtemps, en 1684 pour le père et 1694 pour la mère. Cela fait donc un demi-siècle que Félix vit à Viarmes seul survivant de cette famille. Il ne s’est apparemment pas marié. Il est pourtant bien intégré dans le village puisqu’il est cité comme parrain à trois reprises. En 1696 à la naissance de Noël François puis d’Anne Marguerite Heldebert, puis en 1705 à la naissance de François Lechoppier.

    Mort d'un autre mendiant

     

    Mort d'un autre mendiant

      

    Mort d'un autre mendiant

     

    Voici l'arbre qui situe Félix dans son cadre familialMort d'un autre mendiant

    Félix Quidort est mort au domicile de Nicolas Quenet, qui n’est autre que l’époux sa filleule, Anne Marguerite Heldebert. C’est sans doute par charité qu’il était hébergé dans ce foyer où on ne vivait sans doute pas dans l’opulence, puisque Nicolas Quenet dit exercer la profession de cribleur de blé lorsqu’il est cité comme témoin à un mariage en 1754. Ce métier qui consiste à séparer, grâce à un tamis, le grain du son après le battage ne doit pas se situer très haut dans l’échelle sociale.

    Pourtant Nicolas Quenet est lettré, il signe Nicolas Quesnel, avec une belle écriture comme vous pouvez le voir au bas de l’acte de décès de Félix Quidort. C’est cette pauvreté du monde rural en cette fin du XVIIIème siècle qui, conjuguée avec les réflexions des intellectuels du siècle des lumières, va conduire, quelques années plus tard, à la révolution.


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  • Il n’est pas rare de rencontrer des mendiants dans les pages des registres paroissiaux. C’est presque toujours leur décès qu’on y acte. Et ce sont souvent des personnes nées loin de la paroisse où se termine leur vie car l’errance est la compagne de misère de la mendicité.

    Pourtant, Jean Langlois, dont il va être question dans le billet, a bien terminé sa vie à Viarmes dans la Val d'Oise, l’endroit même où il est né.

    Mais commençons par le début, en lisant son acte de décès.

    la déchéance de Jean Langlois

    L’an mil sept cent cinquante-huit le vendredi dix-septième

    jour du mois de février, le corps de Jean Langlois vivant

    mendiant habitant de cette paroisse âgé de quatre-vingt ans

    ou environ, trouvé noyé depuis trois jours suivant les apparences

    dans un ruisseau nommé le rû du fréval en ce terroir inhumé

    dans le cimetière de ce lieu par moi prêtre curé de cette paroisse

    soussigné. En présence de Denis Langlois son neveu et d’Antoine

    Langlois son cousin tous vigneron demeurant en ce lieu témoins

    Qui ont signé

    Avant de nous pencher sur ce qu’on peut reconstituer de la personnalité et de l’histoire de la vie du malheureux Jean Langlois, je vous propose d’examiner les circonstances de sa mort. Selon l’acte il s’est noyé dans le ru de Fréval, trois jours auparavant, si on se fie à l’apparence du corps retrouvé.

    Ce modeste cours d’eau prend sa source en plein village, à deux pas de l’église St Pierre et St Paul, celle au pied de laquelle on trouve la plaque érigée à la mémoire des soldats morts pour la France que nous avons évoqué dans un billet précédent intitulé « tragédie grecque, complément d’enquête ».

    Le ru de Fréval se dirige vers le nord, aujourd’hui en partie de façon souterraine. Voici la carte IGN de Viarmes aujourd'hui, avec le ru de fréval.

    la déchéance de Jean Langlois

    Si on se fie aux cartes plus anciennes visibles sur le site géoportail de l’IGN, le ru coulait en surface sur tout son trajet jusqu’en 1950 et donc lorsque Jean Langlois s’y est noyé. On peut aussi voir en comparant cette carte de 1950 à la carte actuelle que l’étang situé à la hauteur de la source du ru de Fréval de l’autre coté de le rue de Paris n’existait pas sur la carte la plus ancienne. L’histoire locale retient toutefois que, sans doute où se trouve aujourd’hui l’étang aménagé, on trouvait une mare qui attirait les oies sauvages. Viarmes s’est même appelée Viarmes-les-oies ! Je pense que cet étang, comme la mare autrefois, est alimenté par la même source que le ru de Fréval.

    Voici la carte de Viarmes vers 1950

     la déchéance de Jean Langlois

    Si on remonte encore le temps, la carte d’état-major qui date du XIXeme siècle montre un ru de fréval coulant à travers champs, sans aucune habitation à proximité.

     

    Carte de Viarmes au XIXeme siècle, le ru de Fréval n'est pas nommé mais figuré par le trait pointillé bleu

     

    la déchéance de Jean Langlois

     

    Pour matérialiser le cadre des événements, voici une photo de carte postale de Viarmes  prise vraisemblablement au milieu du XXème siècle. On y voit au premier plan l'étang et au fond l'église St Pierre et St Paul. L'église existait bien au moment ou vivait Jean Langlois, mais elle elle a été restaurée en 1885, si le fantôme de jean revient à Viarmes, il ne la reconnaîtra peut-être pas.

    la déchéance de Jean Langlois

     

    Enfin voici le profil altimétrique du ru de Fréval, tracé à partir de l'outil Géoportail. 

    Une trentaine de mètres de dénivelé sur une distance de 2,25km, pas vraiment un torrent de montagne...la déchéance de Jean Langlois

     

    C’est tout ce qu’on peut dire du cadre dans lequel Jean Langlois a trouvé la mort. Laissez vagabonder votre imagination pour créer votre propre version de la disparition d’un septuagénaire, en plein mois de février, si peu entouré de proches et d’amis qu’il s’écoulera plusieurs jours avant qu’on découvre son cadavre, peut-être même par hasard…

    Si un lecteur - ou une lectrice- viarmois(e) peut nous en dire plus sur ce ru de Fréval et son histoire, c’est bien volontiers que je corrigerais les erreurs du texte, s’il en contient.

    Pour en finir avec les considérations hydrologiques, nous noterons que les eaux du ru de Fréval se jette dans l’Ysieux, avec un système permettant l’alimentation des plans d’eaux de l’abbaye de Royaumont. L’Ysieux est un affluent de la Thève, elle-même affluent de l’Oise. Il n’est peut-être pas inutile de parler aussi des moulins qui, dans le Val’Oise comme partout ailleurs en France, sont les témoins survivants de l’activité humaine des siècles passés. Je n’ai trouvé dans les registres de Viarmes trace que d’un seul moulin, dit moulin de Giez. C’est l’eau de l’Ysieux qui faisait tourner sa roue et il est situé en amont du confluent avec le ru de Fréval. Edme Oudaille, le meunier du moulin de Giez, contemporain de Jean Langlois, n’a aucun lien de parenté avec l’auteur de ces lignes. Avec ma famille je dois donc me contenter des gènes de meuniers hérités des Paret, les meuniers du versant rhodanien du massif du Pilat dont il a été beaucoup question sur ce blog il y a quelques temps.

    Il est temps à présent de revenir à Jean Langlois.

    Au XVIII ème siècle, lorsqu’un mendiant disparaît il est n’est pas inhumé dans un complet anonymat. On cite souvent sa paroisse d’origine car, bien qu’en marge de la société de l’époque, il semble qu’ils bénéficiaient d’un certain mode d’intégration dans la vie du village, sous la forme du couvert et, peut-être, du gîte charitablement offerts. Les habitants du village connaissaient les grandes lignes de leur vie, leur âge et leurs origines. Mais les témoins de l’inhumation sont plutôt les incontournables de la paroisse, clerc ou bedeau de l’église. Tel n’est pas le cas de Jean Langlois puisque l’acte de sépulture cite Denis Langlois le neveu du défunt et Antoine Langlois, son cousin, comme témoins.

    Langlois et jean sont respectivement le nom de famille et le prénom le plus commun à Viarmes à cette époque. Il y a en fait pléthore de Jean Langlois et il n’est pas toujours simple d’identifier à qui on a à faire !

    A telle enseigne que sur les arbres partagés sur le site Généanet, aucun Jean Langlois n’est décédé en Janvier 1758. Je vais me répéter, cette absence vient sans doute que toutes les informations présentes dans les actes n’ont pas été exploitées.

    Partons de Denis Langlois, car Denis est un prénom bien moins commun que Jean. Nous connaissons quatre Denis Langlois. Le premier de la liste est décédé en 1676 et le second en 1750. Ils n’ont pas pu être présents à l’inhumation de Jean Langlois. Reste Denis Langlois, né en 1698 fils de Nicolas Langlois et Marguerite Langlois. Quand je vous disais que Langlois était un nom courant…

    Nous n’avons pas l’acte de décès de ce Denis-là. Il n’est cité dans aucun acte. Il n’est même pas certain qu’il vive toujours à Viarmes. Nous ne connaissons de toute façon à aucun de ses deux parents un frère prénommé Jean. Ce Denis-là n’a donc pas d’oncle prénommé Jean ni du côté paternel ni du côté maternel.

    Il y a enfin Denis Langlois, né en 1708, fils de Denis Langlois et Marie Vernon. Il est cité dans de nombreux actes entre 1728 et 1754. Et son père a bien un frère prénommé Jean, né en 1687, en fait le seul oncle du témoin Denis à se prénommer Jean. Il a donc 70 ans en 1758 et non 80 comme mentionné dans l’acte, mais une erreur de dix ans sur l’âge une personne n’a rien d’exceptionnel.

    De plus la signature de Denis Langlois au bas de cet acte peut être comparée à celle qu’on trouve sur d’autres actes tel que, par exemple, celui du décès de sa mère Marie Vernon. Cet extrait de l’arbre généalogique vous montre la relation entre le Jean le défunt et le Denis témoin à l’inhumation. Comme je suis sympa, j'ai entouré de rouge les cases où se trouve l'oncle et le neveu

    la déchéance de Jean Langlois

    La question de l’autre témoin à l’inhumation de Jean Langlois, le dénommé Antoine Langlois, est plus complexe car le terme de cousin désigne un très grand nombre de personne. Essayons toutefois d’identifier qui est le signataire.

    Un candidat sérieux semble être Antoine Langlois, né en 1719, fils d’Antoine et Marguerite François dont la signature, relevée sur d’autres actes est similaire à celle qu’on trouve sur l’acte de décès de Jean Langlois, notre énigmatique mendiant. Et l’arrière-grand-père d’Antoine Langlois, lui-même prénommé Antoine, époux de Jeanne Lebas est aussi le grand-père de Jean Langlois, ce qui fait d’eux de lointains cousins.

    la déchéance de Jean Langlois

    Les preuves me paraissent suffisantes pour affirmer que Jean Langlois, le mendiant décédé en 1758 est bien le Jean Langlois né en 1687. Pourtant, un autre aspect est à considérer. Jean Langlois semble avoir eu une vie absolument « normale » avant de tomber dans la mendicité. Né septième et dernier enfant du couple formé par Lucien Langlois et Marguerite Demery. Il épouse à l’âge de 20 ans Anne Soret. Celle-ci décèdera après trois ans de mariage, sans avoir d’enfant. Après quelques mois de veuvage, Jean épouse Marie Marguerite Beaucé. Deux enfants vont naître de ce second mariage. Jean en 1711 et Marie Françoise en 1714. Cette dernière ne vivra que cinq ans. Quant à Jean le fils ainé du couple, nous n’avons comme trace de lui dans les registres paroissiaux de Viarmes que sa présence comme parrain lors de baptêmes en 1725, 1730 et 1732. Il est alors âgé de 14, 19 et 21 ans. Sur les arbres visibles sur le site de Geneanet, aucun mariage pour lui. Et il n’est apparemment pas présent lors de l’inhumation de son père. Celui-ci apparait par contre de très nombreuses fois, vingt exactement, soit comme parrain ou comme témoin. Il est cité une dernière fois à l’occasion du décès de sa seconde épouse, Marie Magdeleine Beaucé le 25 février 1751. Cet acte précise comme les précédents qu’il est vigneron et il signe avec une belle écriture, il est donc lettré.

    C’est donc entre 1751 et 1758 que tout bascule pour lui et qu’il meure dans la misère, noyé à quelques hectomètres du village dans lequel il a toujours vécu. Comment expliquer une telle déchéance ? On ne peut qu’émettre des hypothèses. Jean vivait sans doute de son labeur, même si le métier de vigneron apparait un peu au-dessus de celui de manouvrier dans la hiérarchie du travail. Il est maintenant âgé et peut-être malade, ses frères sont tous morts ou ne vivent pas à proximité. Il est peut-être comme nous sans nouvelles de son fils Jean. Il est sans ressources et peut-être sans toit.

     

    Autre hypothèse, Jean le mendiant n’est pas, contrairement à mes conclusions, Jean le vigneron. Peut-être allons-nous découvrir un peu plus loin dans les registres paroissiaux qu’il est témoin au mariage de son fils jean ou à l’inhumation d’un proche. Il me faudra alors vous présenter dans un nouveau billet une version nouvelle de la fin de la vie de Jean Langlois.


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